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Aloyse Taupier

mercredi 25 mai 2022

Lierre

Chapitre 8

Après leur délicieux repas, Ambrose, Amine et leurs camarades continuèrent à lézarder au soleil, contemplèrent le chemin des nuages, palabrèrent de tout et de rien. À quatorze heures les attendait leur premier cours d’Étude de la faune magique : Raphaëlle décida d’interroger Vlad sur les animaux qu’il avait pu rencontrer. Après tout, il leur avait indiqué qu’il était né dans ce monde inconnu. Il lui répondit avec le plaisir de celui qui connaît quelque chose que les autres ignorent et s’empressa de tout leur raconter.

« J’en ai pas croisé tant que ça des bestioles magiques, parce que la forêt à côté de chez nous était petite. Par contre, j’en avais à la maison ! Comme on vivait dans un village de sorciers, la plupart des gens possédaient des animaux de compagnie magiques. Quand j’avais huit ans mes parents m’ont offert des souris super cools ! Je pensais qu’elles étaient toutes comme ça, mais j’ai commencé à me faire des amis pas du tout magiciens et j’ai pigé que les souris normales ne faisaient pas grand-chose, en fait. Chez mes potes, elles restaient dans leur cage, parfois elles couraient dans une roue et c’est tout. C’était pas incroyable.

— Oui bon on a compris, abrège ! lança un de ses compagnons. Elles ont quoi de spécial tes super souris ?

— Bah figurez-vous que les miennes, elles peuvent se dématérialiser quand elles veulent passer à travers un obstacle. Si elles prennent peur, elles courent vers un mur et pouf, elles disparaissent. C’est pour ça qu’on avait une cage spéciale pour empêcher ça. Vaut mieux pas les laisser sortir tant qu’elles se sont pas habituées à vous et que vous avez pas créé des liens avec elles, sinon elles se font la malle. Vous risquez pas de les revoir. Par contre une fois à l’aise, elles sont super affectueuses. »

De grands yeux écarquillés, certains émerveillés, répondirent à son histoire. Céleste, Ambrose, Alby, mouraient d’envie d’adopter une de ces souris.

« Et c’est pas tout ! En général les miennes ont toujours la queue en tire-bouchon. C’est comme ça qu’elles disent que tout va bien. Et si elles ont peur ou qu’elles sont inquiètes, leur queue devient toute plate. Il paraît que c’est pour communiquer sans bruit. Pour que les prédateurs les repèrent pas, vous voyez. J’ai même remarqué que parfois elles font d’autres symboles mais j’ai jamais trop compris ce que ça voulait dire. Enfin bref, voilà, elles sont cools mes souris. »

Petit à petit, l’excitation retomba ; Vlad sentait l’attention se détourner de lui. Les souris magiques étaient certes impressionnantes, mais en interrogeant leur camarade, iels avaient toustes en tête d’autres animaux plus grandioses : iels voulaient rencontrer des dragons, des sirènes, des créatures légendaires ! Robin le relança donc :

« Et à part ça, tu connais des bestioles plus imposantes ?

— Euh… Mon père m’a emmené voir des lucioles des lacs une fois ! C’est des bancs de poissons fluorescents qui se déplacent la nuit. On les appelle comme ça parce que ça fait comme des centaines de grosses lucioles sous l’eau, c’était canon. On les observe surtout en été parce qu’elles éclosent à ce moment et remontent après vers les lacs de montagne les plus hauts. »

Si certain·e·s imaginèrent le spectacle et le trouvèrent très joli, la plupart n’étaient toujours pas impressionné·e·s. Vlad se creusa la tête un peu plus longtemps pour trouver quelque chose qui enchanterait toustes ses camarades.

« Sinon… Ah, mais je sais ! Vous allez adorer ça ! énonça-t-il fièrement. J’y ai pas pensé parce que j’en voyais tout le temps, mais il paraît que c’est hyper rare dans les villes non magiques. Vous vous avez des chevaux, nous nos chevaux… c’est des licornes et des pégases.

— QUOI ?! éclatèrent à l’unisson les camarades qui l’entouraient.

— Ah bah voilà, je savais que ça vous ferait de l’effet. Je connaissais même pas les chevaux quand j’étais petit. Les licornes ou les pégases ont rien de particulier pour nous, y en a partout. C’est pas spécialement intéressant comme bestiole, mais il paraît que vous adorez ça. Vous en mettez même dans les séries comme si c’était un truc incroyable. Moi j’ai pas compris au début, je me suis demandé si vous viviez sur une autre planète ou si c’était une blague bizarre. Puis j’ai pigé qu’en fait vous en aviez pas parce qu’ils habitent que dans les endroits suffisamment magiques. »

Un silence ébahi accueillit ses déclarations. Céleste jeta un coup d’œil perplexe à Robin et Raphaëlle pour évaluer si Vlad se moquait d’elleux. Celles-ci paraissaient tout aussi abasourdies qu’elle.

« Sérieux ? questionna Amine. Vous vivez vraiment avec des licornes et des pégases chez vous, et vous en avez tellement que vous les considérez comme des animaux courants ?

— Bah… ouais. Après, ils sont super intelligents, je sais pas ce qu’il en est de vos chevaux. Nous ils sont forts pour retrouver des gens. Les pégases se proposent souvent pour apporter des messages en urgence, et tout le monde sait qu’ils sont super rapides et qu’ils se trompent jamais de destinataire. C’est comme s’ils avaient un sixième sens pour localiser les gens. Les licornes travaillent pas mal avec les enquêteurs aussi, pour chercher des disparus ou des criminels. Elles sont douées pour ça. Mais quand je suis parti de chez moi, elles commençaient à en avoir un peu marre de bosser là-dedans, je crois. Enfin voilà, c’est à peu près toutes les créatures magiques que je connais. »

Après cela, il fut encore assailli de mille questions sur les équidés, jusqu’à ce que quatorze heures sonnent. Ou plutôt, jusqu’à ce que l’heure apparaisse. Puisque l’école toute entière était dehors à profiter du beau temps, une gerbe d’étincelles dorée jaillit au-dessus du toit pour indiquer qu’il était l’heure d’aller en cours.

La classe d’Ambrose se dirigea donc vers le point de rendez-vous que Monsieur Nkosi leur avait désigné avant de partir manger : le bassin devant le réfectoire. Alors qu’iels observaient les poissons sinuer entre les plantes, iels virent arriver de loin, au niveau du bureau de la directrice, une grande femme. Elle mesurait facilement un mètre quatre-vingt-dix. À mesure qu’elle se rapprochait, iels purent constater qu’elle avait aussi l’air très, très forte. Elle portait une chemise blanche dont les manches relevées exposaient ses biceps saillants. Ses habits étaient maculés de terre et de taches en tout genre, certaines paraissaient plus anciennes que d’autres. Céleste se demanda pourquoi elle mettait du blanc alors qu’elle savait qu’elle allait forcément se salir dans son métier.

Elle arriva finalement à leur hauteur. Elle déclara alors d’une voix douce, raffinée et chaleureuse, qui contrastait profondément avec son niveau de langage :

« Salut les petiots ! ‘Scusez-moi de vous avoir fait attendre, j’m’occupais d’une de mes bêtes : une vraie tête de bourrique. J’me présente, Madame Quinn, mais vous pouvez m’appeler Ellie, je m’en fous. Avec moi vous allez apprendre tout c’qui a à savoir sur les créatures magiques. Vous allez voir, elles sont toutes gé-niales. Si vous êtes gentils avec elles, elles seront gentilles avec vous : premier principe de base, valable en permanence. Allez, en route ! »

Elle fit volte-face et repartit à grandes enjambées. Sans se retourner, d’une torsade de la baguette de bois qu’elle avait à la main, elle créa un chemin lumineux du bassin jusqu’à elle, qui continuait de s’allonger à mesure qu’elle avançait. Les élèves, estomaqué·e·s par cette rencontre, se dépêchèrent de partir à sa suite.

Iels passèrent devant le bureau de la directrice, puis s’engagèrent sous les premières frondaisons qui bordaient le côté gauche de l’école pour poursuivre en ligne droite. Autour d’elleux, les arbres restaient espacés et ne gênaient pas leur parcours. Plus iels avançaient et plus le lierre recouvrait les troncs, les pierres, le sol. Iels arrivèrent finalement en vue d’une jolie maisonnette de bois clair. À ses abords, de nombreuses stalles, des points d’eau, des abris divers et variés pour toute sorte de créatures. Les élèves distinguaient des terriers, des box pour équidés, d’autres box bien plus grands qu’un cheval, des espaces clôturés parsemés de souches, de plantes, de petits étangs. Tout cela enflammait leur curiosité.

Leur enseignante fit assoir la classe sur des tronçons de bois. Elle-même s’assit gracieusement sur une vieille chaise en fer forgé face à elleux, en croisant les jambes.

« Bon alors. J’vous fais un topo théorique rapide, pis on ira rencontrer vos premières bestioles. D’t’façon vous reverrez sûrement quelques éléments dans d’autres cours. Ouvrez bien vos esgourdes. On date l’apparition des créatures magiques un peu après celle des premières sorcières et premiers sorciers. Depuis la nuit des temps, quoi. La théorie en cours c’est qu’les animaux ont évolué à force d’être exposés à la magie qu’on exerçait. Si l’évolution du vivant prend habituellement des milliers d’années, là ça aurait été vachement plus rapide à cause de la magie. Plus l’exposition s’avérait régulière et forte, plus les bestioles évoluaient vite et subissaient des transformations extrêmes. Y a d’ailleurs deux hypothèses qui s’affrontent. Option numéro un : l’espèce humaine a évolué pour les mêmes raisons que les créatures. Mais étant exposée seulement à la très faible magie que contient le monde, ça a pris un peu plus de temps que pour les créatures, qui elles ont été mises en contact directement avec l’air plein de magie à cause de nos sorts. Les créatures auraient été soumises à une plus grande concentration de magie que nous. Option numéro deux : c’est une mutation aléatoire de divers gènes qui nous a conduits à être capable de manipuler la magie. M’enfin là, on touche aux origines mêmes de la discipline et franchement, on sait que dalle sur le sujet. Demandez à Madame Rivière si ça vous intéresse ; c’est son dada. Moi ça me passionne pas des masses tant que ça concerne pas les bestioles. Des questions ? »

Elle avait parlé sans discontinuer, comme si elle voulait expédier rapidement tout ce qui n’avait pas trait à la pratique. Cela convenait parfaitement à Céleste, qui n’attendait elle aussi que de rencontrer les créatures fantastiques qu’on lui avait promises. Amine et Vlad, eux, étaient beaucoup plus intéressés par les questionnements concernant la nature de la magie, mais ils se rendaient bien compte qu’ils n’avaient pas tout à fait la bonne personne devant eux à interroger. Quant à Alby et Ambrose, iels se passionnaient plus pour l’exercice de la discipline en lui-même et son fonctionnement que pour de vieilles théories dont personne ne pouvait prouver l’exactitude. Au bout de quelques minutes de silence, Raphaëlle leva timidement la main.

« Est-ce qu’aujourd’hui les créatures continuent d’évoluer ? »

Madame Quinn joua avec sa longue tresse rousse un instant, puis déclara :

« Y a pas de raisons qu’elles arrêtent d’évoluer. De c’que j’en sais, les animaux qu’on retrouve plus facilement proches des villes et des maisons à forte concentration magique, comme les rats, les loirs, certains insectes, ou les bestioles domestiques, changent bien plus vite que le reste. Notez qu’toutes les créatures magiques n’ont pas des capacités ou des pouvoirs extraordinaires. Si vous v’nez d’une famille qui pratiquait déjà la magie, vous avez p’t’être rencontré ces espèces de souris qui passent à travers les murs ou qui peuvent se dématérialiser. C’est un des cas d’évolution les plus avancés qu’on connaisse. La plupart des animaux se contentent d’avoir de légères particularités. Mais on va avoir l’occasion d’découvrir tout ça ensemble ! On a sacrément d’la chance ici, parce que vu la proximité avec l’école, toutes les bestioles du coin se modifient plus vite ! À force de lancer des sorts dans tous les sens, forcément l’air est plein de magie. C’est le paradis pour rencontrer des tas de créatures ! »

Son enthousiasme était contagieux. Les élèves sentaient l’engouement les gagner, la hâte monter en elleux et titiller leur imagination comme de petites touches de courant électrique qui les faisaient frissonner d’anticipation. Iels avaient maintenant envie de faire la connaissance de mille espèces majestueuses et oniriques, de parcourir la forêt et les terres de l’école pour découvrir ces incroyables animaux et en apprendre plus sur eux. Céleste trépignait presque d’impatience, l’excitation colorait ses joues de rouge, ses mains ne tenaient pas en place. Une fois que Madame Quinn se fut assurée d’avoir accompli son objectif et passionné la classe, elle leur lança :

« Allez, en route ! Allons voir de vraies bestioles ! »

Toustes se levèrent rapidement pour la suivre. Elle marcha quelques mètres puis s’arrêta brusquement. Elle sembla se plonger dans ses pensées. Personne n’osa la déranger. Les secondes passèrent ; soudain, elle projeta son poing en l’air et s’écria :

« Hah ! Je sais exactement où vous emmener. Vous allez pas en croire vos mirettes. En avant toute ! »

Iels s’enfoncèrent alors profondément dans la forêt. Le lierre laissa la place aux fougères, puis à des plantes en tout genre. Certaines en fleurs, d’autres buissonnantes, épineuses, ou en gerbe. Avant d’arriver à leur destination, des bruits étranges commencèrent à leur parvenir, un mélange entre des roucoulements, des gloussements et des tonalités plus aigus. Pour Ambrose, qui habitait à la campagne, cela ressemblait un peu au glougloutement du dindon. Le sourire de Madame Quinn s’élargissait à mesure qu’iels se rapprochaient de leur objectif. Le sol s’affaissait progressivement et iels descendirent en pente légère jusqu’à apercevoir une grande mare, une centaine de mètres plus loin. Des volatiles semblaient s’y abreuver. Leur professeure leur fit signe de s’arrêter.

« Ils sont là. Laissez-moi passer en premier, ils me connaissent bien. Vous risquez de les effrayer. Comptez dix minutes, puis rejoignez-moi doucement, sans faire de gestes brusques. Ils devraient vite s’habituer à vous. À tout de suite. »

Elle se dirigea alors d’un pas tranquille vers le point d’eau. Iels l’entendirent parler, puis elle se pencha.

« J’y vois presque rien, c’est quoi à votre avis ? questionna Vlad.

— Si on les distingue à peu près à cette distance, c’est qu’ils doivent être plutôt gros, lui répondit placidement Amine.

— Peut-être un genre de dindon ? suggéra timidement Ambrose.

— Mouais, si c’est ça, ça vend pas tellement du rêve, maugréa Céleste. Moi je veux rencontrer des pégases, des sirènes, des dragons !

— J’ai l’impression que leurs plumes ont des couleurs vives, annonça Raphaëlle.

— Bah t’as de bons yeux, parce qu’à cette distance moi je vois même pas qu’ils ont des plumes.

— Je suis d’accord avec toi Raphaëlle je vois du bleu et du jaune ! soutint Alby. Et tu as sûrement raison Ambrose il y a que des dindons pour être aussi gros !

— Les dix minutes sont écoulées, annonça Robin. »

Toustes s’avancèrent avec précaution vers l’étang et rejoignirent lentement leur professeure. Toustes étouffèrent le cri de surprise qui faillit s’échapper de leurs lèvres lorsqu’iels arrivèrent devant les créatures. Silencieusement, iels restèrent debout, de part et d’autre de l’enseignante. Elle se tenait accroupie face à la dizaine d’oiseaux qui l’observaient avec attention et glougloutaient dans sa direction. Ils ne paraissaient pas hostiles et certains s’approchaient même d’elle, surveillant d’un œil méfiant les étrangers.

« Des dodos, déclara-t-elle. D’authentiques dodos. Si c’est pas magnifique ça, j’sais pas ce qu’il vous faut. »

Même si l’envie de parler leur brûlait la langue, les élèves se tinrent cois et attendirent ses instructions. Iels se jetaient des regards enflammés, se faisaient de discrets signes de tête.

« J’vous laisse les admirer deux minutes de plus, pis on ira s’assoir là-bas pour discuter. »

Elle leur désigna de grandes pierres plates près de l’eau. La classe ne détourna pas son attention des dodos. Céleste voulait graver leur image dans sa tête. Si l’on trouvait même des animaux disparus à Hedera, se dit-elle, les autres cours concernant la faune magique se révèleraient certainement tout aussi prometteurs. Elle sentait la passion s’animer en elle, la pousser à avancer, à être active durant cette année.

Ambrose n’avait pas tort quand iel comparait ces créatures à des dindons. Les dodos mesuraient environ un mètre de hauteur, même si certains spécimens paraissaient encore plus grands que cela. Ils étaient gros, couverts de plumes colorées. D’un gris bleuté pour la plupart, mais comme l’avaient dit Raphaëlle et Alby, certains étaient plutôt d’un bleu vif, d’autres jaune sable ou vert feuille. Leurs courtes ailes battaient sur leur flanc et leur large bec crochu, caractéristique de cette espèce, laissait échapper les gloussements qu’iels avaient entendus plus tôt. Céleste les adorait déjà.

Lorsqu’iels furent toustes rassemblé·e·s sur ou près des pierres qu’elle avait indiquées, Madame Quinn reprit la parole.

« Alors, qu’est-c’vous en pensez ?

— Je veux TOUT savoir sur eux ! s’empressa de s’exclamer Céleste. S’il vous plaît, dites-nous-en plus ! »

Ses camarades ne l’avaient jamais vue aussi motivée depuis que les cours avaient commencé. Un large sourire s’étala sur le visage de leur enseignante. Comme pour Céleste, le rouge lui montait aux joues et son regard brillait. Elle venait de trouver, dès le premier cours, une élève dont la passion faisait écho à la sienne. Puisqu’on le lui demandait, elle ne risquait pas de se faire prier pour parler longuement des animaux dont elle s’occupait.

« Par-fait ! déclara-t-elle. Laissez-moi vous raconter l’histoire de ces dodos. »

Au vu de son ardeur, la classe se prépara à écouter sagement leur professeure discourir en abondance sur ces animaux. Heureusement, ils sortaient suffisamment de l’ordinaire pour que cela intéresse tout le monde. Après tout, comment avaient-ils pu se retrouver là, alors qu’on les croyait éteints depuis plusieurs centaines d’années ? Certain·e·s attrapèrent même de quoi écrire.

« Alors, alors. Comme vous l’savez peut-être, les dodos viennent de l’Île Maurice, située à l’ouest du sud de l’Afrique. Z’ont été découverts dans les années 1500. Cent ans plus tard : boum, éteints. Plus un seul sur la planète. L’île était inhabitée, ils craignaient pas l’humain et n’avaient quasiment pas de prédateurs, bref, ils se sont fait chasser. Pis à côté d’ça, on a introduit d’nouvelles espèces là-bas, comme des cochons, des singes, des chiens, qui ont ravagé les nids. On a aussi détruit leurs forêts. Ajoutez à ça une bonne crue qui en a décimé un paquet, et pouf, plus de dodos. Voilà c’qu’on sait aujourd’hui sur eux. Ceeeependant, côté magie, on a un peu plus d’informations.

« Si au départ les dodos n’avaient jamais été exposés à la magie puisque l’île était inhabitée, il est probable que durant la centaine d’années où elle fut parcourue par tout un tas de gens, des sorcières et des sorciers aient participé à quelques expéditions, voire en aient mené elleux-mêmes. Après tout, qui résisterait à la découverte d’une nouvelle espèce, et potentiellement à d’nouveaux ingrédients pour créer des mixtures ? Bref. On suppose que les dodos ont entamé leur évolution quelques années avant leur extinction totale. C’est ce qui a probablement précipité leur fin. On retrouve dans les vieux traités de potions la mention de plumes de dodo comme base pour certains élixirs. C’parce que les plumes des dodos ont commencé à être magiques. Comme vous avez pu l’voir sur ceux d’ici, tous ne possèdent pas la teinte bleu-gris habituelle. De nouvelles couleurs sont apparues. Et tenez-vous bien, on a découvert que celles-ci changeaient en fonction de leur état mental. En clair, une couleur égal un état mental. Forcément, les magiciens et magiciennes de l’époque ont voulu étudier ça et l’exploiter. Mais c’est pas tout. Au même moment, une rumeur a commencé à se répandre. Soi-disant qu’si on générait chez les dodos le bon état mental, leurs plumes pouvaient devenir… invisibles. »

À ce mot, des bruits interloqués, mesurés, pour ne pas effrayer les créatures, s’élevèrent des élèves. L’invisibilité ? C’était la magie par excellence, le pouvoir qui était si souvent mentionné dans les livres et les films ! Était-ce vraiment possible ? Madame Quinn avait déclaré que ce n’était qu’une rumeur.

« Ouais… comme vous dites. Rien qu’ça. Bon bah forcément, tout l’monde a perdu les pédales. Les chercheureuses en magie en tout genre et plus seulement en potions ont foncé tête baissée et ont essayé de récupérer des dodos à tout prix. Rapidement, y en avait plus assez pour toustes, puis y a plus eu de dodos. Quand on traite les bestioles comme d’la marchandise, ça peut pas bien s’passer.

« Mais comment s’fait-il qu’on en ait ici alors, vous m’direz ? Eh bah c’est très simple. Avant l’extinction totale de ces bestioles, deux-trois personnes un peu plus fines que les autres ont décidé de ramener quelques spécimens dans leur pays respectif. L’idée c’était de leur donner un cadre de vie agréable, pour qu’ils se reproduisent et pour pouvoir continuer à les étudier vivants, sans trop les déranger et sans avoir à les décimer. Ici, à Hedera, une chercheuse de cette époque en a récupéré quelques-uns et leur a trouvé un coin sympa dans la forêt. Il faut savoir qu’à la base, ce sont des animaux de forêts et de plaines, donc ça tombait bien. C’est pas des bestioles qui bougent beaucoup et ils volent pas, donc ils ont pas beaucoup vadrouillé depuis. Par contre, ils ont compris avant leur extinction c’que c’était que des prédateurs ; ils sont plus méfiants, maintenant. C’pour ça qu’il valait mieux que j’leur parle d’abord. Et voilà où on en est aujourd’hui. J’ai amélioré un peu leur habitat quand j’ai repris le poste, histoire qu’ils aient facilement accès à tout, et mis quelques barrières magiques pour éloigner les dangers les plus inquiétants, mais sinon, ils sont parfaitement autonomes. Je passe juste les voir de temps en temps. Ils m’aiment bien, je crois. »

Elle marqua une pause pour retrouver sa respiration et Amine en profita pour poser une question.

« Madame ? Pourquoi certains sont beaucoup plus gros que d’autres ? »

Et en effet, s’il avait précédemment remarqué quelques légères différences de taille et de poids, il venait d’apercevoir un dodo qui atteignait facilement le mètre cinquante.

« Très très bonne question ! Pour deux raisons probablement. Enfin, deux raisons qui n’en font qu’une. Parce qu’ils sont exposés à la magie d’Hedera depuis des centaines d’années, maintenant. Et parce que l’habitat est propice, sans prédateurs, bref, ils s’y sentent bien. Si c’est effectivement la magie qui a déclenché cette croissance chez eux, ils trouvent ici toutes les ressources nécessaires pour se développer, grandir et grossir à volonté. Qui sait, peut-être que dans trois cents ans ils auront la taille de chevaux, ou même d’éléphants, de girafes ! Ce serait in-croy-able ! »

Les yeux dans le vague, elle se mit à rêver de dodos géants. Céleste ne tarda pas à la rejoindre. Les autres réfléchissaient surtout à cette histoire de plumes, d’état mental et d’invisibilité. Leur professeure revint finalement à la réalité.

« Allez, pause ! La théorie ça vous r’tourne toujours le cerveau. Vous pouvez explorer l’habitat, essayer d’approcher les dodos doucement et d’apprendre à les connaître. J’vous raconterai plus en détail après comment je m’occupe d’eux. »

De petits groupes se formèrent : Alby resta auprès de Vlad et de Raphaëlle, Amine et Ambrose se joignirent à Robin et Céleste. La première équipe se contenta d’épier les dodos de loin, soigneuse de ne pas les effrayer, ravie malgré tout de pouvoir les contempler à sa guise. Iels observèrent les oiseaux interagirent entre eux, communiquer, se donner parfois de légers coups de bec. Ceux qui barbotaient éclaboussaient ponctuellement ceux qui bullaient sur la rive, et ces derniers leur jetaient ce qui ressemblait à des regards réprobateurs.

Robin et Céleste choisirent une tactique plus frontale et entreprirent de se rapprocher d’eux directement, alors qu’Amine et Ambrose les suivaient, un peu en retrait, discutant entre elleux et attendant de constater le résultat de cette stratégie. Si les animaux commencèrent d’abord par reculer, ils se montrèrent immédiatement plus intéressés lorsque les deux jeunes filles s’accroupirent face à eux et leur tendirent ce qui semblait être de menus morceaux de pain. Petit pas par petit pas ils s’approchèrent, méfiants, mais curieux. Les plus téméraires gobèrent les miettes en premier, se retirant précipitamment ensuite, mais progressivement d’autres s’avancèrent. Après une dizaine de minutes, c’est tout un groupe de dodos qui leur mangeaient dans la main, se bousculaient entre eux, voire les bousculaient elles pour quémander un supplément. Robin ne paraissait pas toujours rassurée, jetant parfois de rapides coups d’œil à leur large bec, mais Céleste souriait béatement. Elle aurait pu faire ça toute l’après-midi.

Madame Quinn rappela finalement la classe. Elle leur fit visiter de manière plus complète l’habitat des dodos, leur expliqua de quelles ressources ils avaient besoin et comment éviter qu’ils ne deviennent dépendants d’elle. Elle leur apportait de temps en temps une ou deux sucreries, mais ils devaient rester capables de chercher leur bectance par eux-mêmes et d’être autonomes. Ils ne devaient pas non plus perdre leur méfiance envers les prédateurs, ce qui s’avérait complexe pour une espèce qui au départ n’en avait pas. Ils reconnaissaient sa présence et pouvaient se laisser appâter par de la nourriture, mais en dehors de cela, ils étaient prêts à fuir au moindre mouvement brusque. Elle souligna également qu’il fallait éviter de donner du pain aux créatures, magiques ou non, car c’était mauvais pour leur santé. Elle avait exceptionnellement laissé passer concernant Céleste et Robin, parce que les dodos ne voyaient pas grand-monde, mais elle insista lourdement sur le fait que les élèves ne devaient en aucun cas nourrir les animaux avec des mets humains, et qu’iels devaient privilégier les aliments qu’ils aimaient naturellement. Elle leur montra également dans quelle mesure la marre était adaptée aux habitudes des dodos, ainsi que la forêt tout autour, qui leur permettaient de bâtir leurs nids où ils le souhaitaient et leur offraient de nombreuses cachettes.

Alors que l’enseignante continuait ses explications, Raphaëlle souffla soudain à Ambrose, intimidée : « Eh, tu crois que le dodo dans Alice au pays des merveilles vient de là ? Tu as lu le livre ? »

Elle avait envie de parler littérature avec ellui depuis leur rencontre, mais n’en avait pas eu l’occasion. Ces animaux lui offraient enfin une opportunité ; elle avait cependant dû rassembler tout son courage pour l’aborder. Nouer des relations n’était pas son point fort. Ambrose, surpris·e, réfléchit quelques instants puis lui répondit à voix basse :

— Oui je l’ai lu, c’est un de mes livres préférés ! Je ne vois pas comment Lewis Caroll aurait pu avoir accès aux dodos magiques, tu ne crois pas que c’est une simple référence à ceux que l’on connaissait à l’époque ?

— Je sais pas… Tu ne veux pas lui poser la question, toi ? »

Ambrose secoua la tête pour signifier sa négation, mais iel leva un doigt pour lui indiquer d’attendre un instant. Iel se pencha alors vers Amine debout devant lui, lui résuma la situation et lui demanda d’interroger leur professeure à leur place. Celui-ci acquiesça et leva la main. L’oral n’avait jamais été une corvée pour lui, pas plus qu’un sujet d’angoisse. Madame Quinn interrompit son flot d’explication et lui donna la parole.

« Madame, est-ce que vous savez si les dodos d’ici ont quoi que ce soit à voir avec celui qu’il y a dans Alice au pays des merveilles  ? Il est bleu dans le film non ?

— Bien vu, très bien vu ! D’excellentes questions aujourd’hui ! J’vais vous raconter une anecdote à c’propos, z’allez pas en revenir. Figurez-vous que Lewis Caroll, l’auteur du livre Alice au pays des merveilles donc, comptait parmi ses amis plusieurs sorciers et sorcières… »

Certain·e·s élèves écarquillèrent les yeux de surprise, d’autres se chuchotèrent leur étonnement ; Ambrose regarda Raphaëlle, triomphant·e. Elle avait vu juste. L’œuvre n’en devenait que plus intéressante.

« Il n’exerçait pas la magie lui-même, reprit leur professeure, mais ça l’empêchait pas d’être passionné par c’que pouvaient faire ses amis proches. Le dodo dans Alice au pays des merveilles est bien plus grand qu’un dodo normal. J’vous ai pas dit, tout à l’heure, qu’à force d’être exposés à la magie ils avaient grossi ? J’vous l’donne en mille, c’est tout pareil en Angleterre et certains ont été préservés là-bas aussi. Les œuvres de Caroll sont bourrées de références au monde magique. Suffit de se plonger dedans et de connaître un peu notre univers pour l’voir. Lisez-le à la fin de votre première année déjà, vous en aurez une tout autre vision, j’vous l’dis. Forcément, ses bouquins étaient très appréciés par la communauté magique qui se sentait secrètement représentée : vivre dans l’ombre, c’est pas tous les jours marrant. Lewis Caroll a décidé de mettre sa créativité au service de ses compagnons, et la littérature l’en remercie. N’allez pas croire tout c’que vous lisez non plus, on a pas encore trouvé de lapin qui parle. M’enfin, p’t’être bien que ça finira par arriver, qui sait ? Vous imaginez si on pouvait communiquer avec eux ? Quel bonheur ce serait ! »

Elle se remit alors à rêvasser les yeux dans le vague, tout comme Céleste qui la suivit sans tarder. La classe en profita pour commencer à bavarder. Dès que leur professeure s’en rendit compte, elle reprit les choses en main.

« Allez, c’est qu’on n’a pas toute la journée, et j’aimerais vous montrer une autre bestiole gé-niale sur le chemin du retour. Vous avez été sages, vous méritez bien une petite récompense. En route ! »

Iels quittèrent à regret les dodos pour s’enfoncer à nouveau dans la forêt, puis débouchèrent sur une plaine ouverte, recouverte d’herbe rase et de grands arbres disséminés. Un ruisseau en parcourait toute la longueur, parfois apparent, parfois souterrain. Alby remarqua d’immenses nids en haut de certains arbres et les désigna à Amine. Celui-ci reconnut sans mal la taille imposante des nids de cigogne. Madame Quinn les incita à s’arrêter à une dizaine de mètres des premiers troncs. Comme Monsieur Nkosi le matin, elle agita sa baguette, fit remonter l’eau pour assécher le sol en surface, puis invita ses élèves à s’y assoir.

« Asseyez-vous, et détendez-vous. Z’allez entendre l’une des plus belles choses au monde. Vous esgourderez le chant de ces cigognes nulle part ailleurs, de c’que j’en sais. Profitez et écoutez-bien. J’vous en reparle après ».

Elle s’assit également, se mit en tailleur, ferma les yeux. Étonné·e·s, les élèves se regardèrent, puis l’imitèrent. Il fallut attendre quelques minutes pour que les cigognes, qui les avaient entendus arriver, se rassurent. Enfin, elles commencèrent à chanter. Jamais on n’avait ouï chant plus mélodieux, plus doux. Sur les lèvres de toute la classe s’étira un sourire apaisé. Chaque individu sentit la fatigue de la route, et pour certain·e·s de la nuit, quitter son corps. Une énergie nouvelle sembla s’écouler dans les membres de chacun·e. Les maux de tête disparurent, de même que les paupières lourdes, les inquiétudes, les préoccupations diverses. En cet instant, tout le monde était uni, présent, à se réjouir du moment telle une seule et même âme. Plus rien n’avait d’importance. Uniquement le calme et la sérénité peuplaient les esprits. Toustes se sentaient comme s’iels avaient plongé dans un délicieux bain chaud après une dure journée.

Sans qu’iels sachent combien de temps s’était écoulé depuis son commencement, les cigognes cessèrent progressivement leur chant. Le silence revint. Les élèves rouvrirent les yeux, iels se sentaient bien. Très bien même. Une excellente sieste réparatrice, quand il fait bon, que la brise est tiède et que les fleurs embaument l’air de leurs senteurs sucrées leur aurait fait le même effet. Un sourire illuminait toujours leurs visages. Personne ne parla pendant plusieurs minutes, comme s’iels ne voulaient pas briser l’atmosphère.

Madame Quinn se racla finalement la gorge et fit signe à sa classe de reporter son attention sur elle.

« Après notre escapade, j’me suis dit que ça nous ferait du bien un peu de repos. Vous remarquerez p’t’être qu’on est encore qu’au milieu de l’après-midi, mais le cours se termine plus tôt, aujourd’hui. Vous avez des salles communes à visiter. M’est avis qu’ça va vous plaire. Un bon bol de quiétude et d’énergie pouvait pas vous faire de mal avant ça. »

Les élèves, encore sous l’effet de la mélodie, ne réagirent que peu à la suite du programme. Iels se contentaient d’écouter, tranquilles, les propos de leur professeure. L’enthousiasme aurait tout le temps de prendre le relais ensuite. Devant leur silence, l’enseignante enchaîna.

« Quelques mots sur ces cigognes, donc. Honnêtement, on n’a pas grand-chose sur elles. Comme vous l’savez peut-être, ce sont des oiseaux migrateurs. Elles vont et viennent, sans qu’on connaisse exactement leur trajet ou les endroits où elles se r’posent et vivent quand elles ne sont pas là. Chaque automne, elles reviennent nicher ici, sur les arbres de c’te plaine. Elles sont apparues un beau jour ; l’ancien professeur les a découvertes au cours d’une promenade. Durant l’après-midi, elles chantent régulièrement et c’est comme ça qu’on a compris que c’était pas des cigognes ordinaires. En dehors de ça, elles ont pas l’air d’posséder d’autres caractéristiques magiques. Elles ne suivent pas tout à fait le rythme de migrations des cigognes traditionnelles, mais on sait pas si c’est lié à la magie ou à une différence interespèces. Quoi qu’il en soit, on est bien content de les avoir ici ! J’ai jamais entendu parler de bestioles de ce genre ailleurs pour l’moment. Il est possible qu’elles soient uniques. J’leur accorde un soin tout particulier, pour être sûre qu’elles reviennent l’année d’après. Peut-être que dans l’futur, on en découvrira plus à leur sujet. J’l’espère en tout cas : ce sont des créatures fascinantes. »

Céleste, la plus réceptive aux discours de Madame Quinn, avait retrouvé toute sa vigueur. Elle réfléchissait déjà aux moyens à mettre en œuvre pour étudier ces cigognes et à l’intérêt qu’il y aurait à les accompagner dans l’un de leur voyage annuel. Ses camarades avaient elleux aussi progressivement émergé de l’état d’apaisement dans lequel iels étaient plongé·e·s auparavant, ce qui leur avait permis de saisir dans les grandes lignes le contenu des propos de leur professeure. Amine se demandait dans quelle mesure les effets d’un enregistrement du chant de ces animaux différeraient de l’original, alors qu’Ambrose aurait voulu que l’une d’elles niche sous sa fenêtre toutes les nuits. Alby se fit la réflexion qu’après ses séances de sport, ce chant lui serait bien utile pour éviter toute douleur consécutive. Quant à Vlad, Raphaëlle et Robin, iels avaient entamé une discussion autour de l’existence potentielle d’autres êtres aux mélodies similaire et se questionnaient sur un éventuel lien avec les sirènes. Puisque tout était possible ici, pourquoi les créatures mythologiques ne seraient-elles pas toutes réelles, finalement ? S’il y avait des pégases, iels n’étaient plus à une sirène près.

La classe recommençait à s’animer et leur professeure en profita pour sonner le départ afin de ne pas déranger plus longtemps les cigognes. Elle leur promit qu’iels auraient l’occasion de les rencontrer à nouveau. Elle souligna cependant que même s’il était merveilleux, leur chant ne devait s’écouter qu’à petite dose. Pour éviter toute tentation de s’en servir un peu trop souvent, ainsi que toute déception une fois l’automne écoulé et les cigognes reparties. « Une excellente hygiène de vie sera toujours plus bénéfique que n’importe quel moyen artificiel que vous aurez de vous sentir bien dans votre corps » déclara-t-elle. Et sur ces bonnes paroles, le chemin retour jusqu’à sa cabane se déroula sans encombre.

Avant de les ramener aux bâtiments principaux, elle proposa à ses élèves de boire un peu de thé pour se désaltérer, qu’elle prépara à la main et non à la baguette, et de grignoter un ou deux cookies qu’elle avait cuits tôt ce matin. Il était étonnant pour la classe d’observer comme elle pouvait se servir allègrement de sa magie pour certaines choses et refuser son utilisation pour d’autres. Madame Quinn appréciait les activités manuelles ; tout ce qu’elle pouvait faire elle-même à l’aide de sa force et de sa dextérité, elle le ferait. La preuve en était la montagne de gâteaux qu’elle avait préparés et l’énorme marmite de thé qui trônait sur le feu. La magie n’était pour elle qu’une aide au quotidien et n’avait pas vocation à remplacer, mais à soutenir. Ses cookies étaient, somme toute, délicieux. Ambrose y prêtait particulièrement attention, laissant le sucre se répandre sur son palais et la rondeur du chocolat l’équilibrer ensuite. Iel se demanda soudain s’il y avait une différence de goût entre un même dessert préparé à la main, ou avec l’utilisation de la magie. Iel se promit immédiatement de tester cela dès qu’iel en aurait l’occasion.

Après ce goûter impromptu, l’enseignante accompagna la classe jusque devant les portes d’entrée. Elle leur glissa quelques mots brefs sur la nécessité de maintenir leur enthousiasme et leur passion, et sur le plaisir qu’elle avait eu à les guider durant ce premier cours. Elle les enjoignit ensuite à se concentrer sur les salles communes qu’iels allaient visiter avant le dîner, leur souhaita une bonne après-midi et disparut à nouveau dans la forêt.

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