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Aloyse Taupier

mardi 30 avril 2024

J'irai boire du thé sur ta tombe

Chapitre 3

Comme prévu, ces deux jours d’attente t’apparaissent interminables : tu jurerais que chaque heure en cache trois de plus. Ton salon de thé t’aide heureusement à passer le temps ; l’approche d’Halloween amène toujours une augmentation de ta clientèle, d’autant que ton café est l’un des premiers à être décorés. Tu te surprends parfois, malgré tout, à sourire entre deux commandes. Tu résistes à la tentation de lui écrire, et il ne t’envoie rien non plus. Cela ne t’étonne pas ; il a dit qu’il préférait d’abord discuter face à face. Mieux, qu’il aimerait discuter plus en profondeur avec toi. Tes lèvres s’étirent à nouveau. Tu as peur de faire mauvaise impression, d’apparaître en deçà de l’image qu’il s’est créée, mais toi aussi, comme il l’évoquait dans son message, tu as hâte de parler avec lui. Tu veux déjà tout savoir de lui, de ses pensées, de ses idées : une curiosité insatiable vissée au corps, qui prend la forme d’une véritable faim dévorante.

Lorsque tu rentres chez toi le premier soir, l’épuisement habite tout ton être. Ce n’est pas que ton sommeil ait été déplorable les nuits d’avant, puisque tu rêves de lui. Mais tu mets cependant des heures à t’endormir et tu as du mal à émerger le matin tant tu rechignes à quitter sa compagnie. Vraiment, c’était une bonne idée de ne pas programmer votre rendez-vous trop tardivement : tu n’aurais pas survécu.

La veille du grand jour, ton cerveau te projette à nouveau tous les scénarios possibles et imaginables, et ton anxiété, comme ton excitation, atteint des hauteurs jamais ressenties auparavant. Tu finis malgré tout par arriver à t’endormir et ne te réveilles pas avant la fin de matinée. Cela te laisse le temps de manger, puis de te préparer avec soin.

Tu réfléchis longuement à ce que tu vas porter, puisque tu voudrais être attirant, mais aussi toi-même, avoir des vêtements confortables, et si possible une certaine classe. Tu optes après délibérations pour une chemise et un sweat, avec un pantalon simple : des habits agréables, que tu mets fréquemment et qui te reflètent donc. Ce ne sont peut-être pas les plus beaux de ta garde-robe, mais tu veux que l’authenticité prévale, aujourd’hui. Tu accroches deux pin’s sur ton col, attrapes ton sac, t’approches une dernière fois du miroir pour vérifier que tout est en ordre, puis tu quittes ton appartement.

Tu marches lentement, pour ne pas arriver en nage au point de rendez-vous. Tu prends le temps de regarder autour de toi, d’observer : tu veux graver chaque seconde de cette journée dans ton esprit, en saisir chaque petite spécificité, chaque particularité. Lorsque tu es presque au lieu de rencontre, tu l’aperçois déjà au loin, qui t’attend. Il porte un long manteau noir avec des boutons argentés qui lui sied évidemment à la perfection. Une fois de plus, tu te dis qu’il est beau à en pleurer. Tu te rapproches et il t’offre un sourire, presque rassuré, comme s’il avait eu peur que tu ne viennes pas. Tu ne le sais pas, mais c’est exactement ce qui sinuait dans sa tête ces dernières minutes.

« Bonjour », énonce-t-il.

« Bonjour », réponds-tu sur le même ton.

Après quelques secondes de silence où vous vous contemplez tous les deux, tu déclares avec enthousiasme, toujours de ton plus bel anglais : « Alors ! Qu’est-ce que tu as préparé ? J’ai hâte ! »

Cela le fait rire, doucement, et tu ne peux empêcher ton sourire de s’élargir. Tu as l’impression d’être sous substance, de celles qui rendent particulièrement heureuxse, et peut-être un peu niaise. Tu n’en as jamais entendu parler, mais c’est probablement l’ocytocine. En tout cas, tu sens ton corps vaporeux, et léger.

« J’espère que tu aimeras, mais je ne dévoilerai rien, déclare-t-il espiègle. Tu dois m’accompagner pour le découvrir ; ce n’est pas très loin. Et si l’endroit ne te plaît pas, dis-le-moi, nous pourrons toujours changer nos plans. »

Bien, il choisit donc de maintenir le mystère.

« C’est noté ! » acquiesces-tu.

Habituellement, tu ne suivrais pas un inconnu dans un lieu dont le nom n’a même pas été évoqué, mais il t’a indiqué que celui-ci était à proximité, ce qui veut dire qu’il t’emmène soit dans la rue principale, soit dans l’une des rues adjacentes, que tu sais passantes. Tu ne te sens pas non plus inquiet en sa compagnie, mais tu ne te fierais pas à tes émotions, là, tout de suite.

Vous marchez côte à côte, dans un silence étrangement confortable. Vous avez toustes les deux l’air heureuxses d’être ici. Il adapte son pas au tien. Il te fait remonter une partie de l’avenue centrale, celle où tu as ton salon de thé, et bifurque dans une venelle. Puis dans une autre, et une dernière qui relie deux passages étroits. Vous arrivez dans l’une des ruelles les plus anciennes que tu aies pu arpenter dans cette ville. Presque cachée, pavée, et lumineuse car aucun immeuble ne lui fait de l’ombre. Il s’arrête alors et te désigne d’un mouvement gracieux une petite échoppe.

C’est d’abord la devanture qui t’interpelle. Deux colonnes de chaque côté de la porte, dans un style presque antique. Du lierre les a presque entièrement envahies, comme s’il croissait depuis longtemps. Ton regard se pose ensuite sur les vitrines : elles sont pleines à ras bord de livres anciens. Leurs couleurs chatoient, les dorures sur leur dos et leur couverture scintillent, attirent ton œil. Tu n’avais aucune idée qu’un tel endroit existait, encore moins dans ta ville. Époustouflée, tu te tournes vers ton compagnon.

« Comment tu as deviné ? »

Il est assez simple de deviner que tu aimes lire, mais que tu adores ? Que c’est ton loisir le plus chronophage ? Comment sait-il que tu apprécies les beaux ouvrages, que tu les recherches et les collectionnes minutieusement pour ta bibliothèque, ou que tu peux passer des après-midis entiers sur Internet à comparer diverses éditions et à contempler leurs couvertures ?

Il hausse les épaules.

« Je t’ai vu lire au café, parfois. Sans parler de l’étagère pleine d’ouvrages qui embellit ton salon. J’ai eu l’impression que nous avions des goûts très similaires », ajoute-t-il, solaire. « J’avais déjà terminé presque tous les livres que j’ai aperçus entre tes mains, et ceux que je ne connaissais pas, je les ai essayés. Ce n’était pas forcément le cas au début, mais quand j’ai compris que tu gravitais autour des mêmes thèmes que moi, j’en ai acheté un, puis un autre, et je n’ai jamais été déçu. J’aime beaucoup les ouvrages anciens et les belles éditions. J’ai pensé que, peut-être, nous aurions également cela en commun. Et si j’en crois le scintillement dans tes yeux, je ne me suis pas trompé, si ? »

« Vraiment pas » confirmes-tu sans pouvoir réfréner l’expression de joie qui s’étend sur ton visage.

Tu es à la fois ravie de son choix, car tu n’aurais pu rêver meilleur rendez-vous, mais aussi touché de l’attention qu’il t’a portée sans que tu t’en rendes compte. Tu comprends doucement que tu n’étais peut-être pas seul à l’observer en douce. Qu’il ait réfléchi à toi, à la personne que tu es, qu’il ait fait des déductions, et qu’elles soient en plus tout à fait justes colore ton âme de bonheur. Tu es heureuxse d’apprendre que tu as été présente dans son esprit comme il l’a été dans le tien, même si tu lui souhaites de ne pas être autant obsédé par toi que tu l’es envers lui.

Plus tu t’animes et plus son visage s’éclaire, dans ce qui semble être une pointe de soulagement et la joie de te faire plaisir. Après quelques secondes, il se dirige vers la porte et la pousse, non sans te jeter un regard derrière son épaule pour voir si tu le suis, si tu es prêt à entrer. Tu détestes faire le premier pas dans un magasin, alors cela te convient parfaitement. Sur le seuil, il se décale pour te laisser admirer l’endroit et se place à tes côtés.

Devant toi s’étalent sans fin des rayons presque labyrinthiques, dont les étagères sont remplies à craquer de livres tous plus beaux les uns que les autres. Tu perçois d’ici que la majorité a une couverture rigide et épaisse, un gage que tu trouveras ton bonheur. Tu aperçois des coins et des recoins, parfois des piles en attente d’être rangées au détour d’un virage. L’endroit ressemble exactement à ce à quoi tu aurais pu t’attendre au vu de l’extérieur : du vieux bois, quelques fauteuils confortables çà et là pour feuilleter tranquillement, un plancher usé, des échelles sur rails pour atteindre les ouvrages les plus hauts. Tu pourrais pleurer. Au comptoir, un homme âgé avec des bésicles argentées qui fait la conversation à ton ami comme s’il le connaissait depuis toujours. Une fois remise de ton émerveillement, tu le salues. Ton compagnon t’explique alors qu’il est un habitué, et, devant tes yeux qui dévore passionnément les rayons, déclare :

« Nous pouvons rester aussi longtemps que tu le souhaites. Même si je viens souvent, je peux passer des heures ici sans jamais m’ennuyer. Dis-moi simplement quand tu auras envie de t’en aller. »

« Jamais. Je ne veux jamais m’en aller ! » lui réponds-tu d’une voix plaintive, ce qui fait rire le libraire.

« Eh bien, ne perdons pas une minute, alors. »

Et, après avoir précautionneusement plié son manteau sur une chaise comme s’il habitait ici, et proposé de prendre le tien, il s’éloigne pour te laisse déambuler à ta guise. Vu vos goûts, il sait déjà que vous vous recroiserez au détour d’une étagère.

Durant les heures qui suivent, tu épluches minutieusement chaque rayonnage, déchiffres chaque titre. Tu comprends rapidement que cette librairie possède des livres qui vont de l’extrêmement ancien aux belles éditions d’ouvrages sortis récemment, en anglais comme en français, parfois dans d’autres langues. Chaque seconde passée ici te comble. Évidemment, tu aimerais acheter l’intégralité de la boutique, voire y emménager définitivement. À mesure que le temps s’écoule, tu te rends compte que tu ne pourras pas prendre connaissance de tous les titres ; il n’y a simplement pas assez d’heures dans une journée. Il faudra que tu reviennes… ce qui ne serait pas pour te déplaire. Tu te mets alors à flâner entre les rangées, et ne t’arrêtes que lorsqu’un nom t’accroche l’œil, ou qu’une couverture saisit ton cœur. Tu croises parfois ton compagnon, assis dans un fauteuil un ouvrage à la main, ou au détour d’un rayon, et vous échangez sur vos trouvailles respectives, ce que vous avez aperçu dans telle ou telle étagère que l’autre pourrait aimer. Tu te sens à ton aise. Bien sûr, les tambours dans ta poitrine s’accélèrent dès que tu le vois, mais cet endroit t’apaise. De temps en temps, vous lisez simplement les dos d’une rangée en particulier, côte à côte, en silence, et si tu ne peux t’empêcher de rougir et de considérer ces moments comme profondément intimes, ils correspondent à peu de choses près à ta définition du bonheur. Lui aussi semble dans son élément ici, et heureux de partager cela avec toi.

Vers dix-sept heures, la luminosité extérieure diminue, et ton estomac commence à gargouiller. Tu fais mine de ne pas l’entendre et te concentres pleinement sur ta tâche en cours : choisir avec quels ouvrages tu vas repartir. Tu sais déjà que tu vas emporter The perks of being a wallflower . Un de tes livres préférés qui, à ta connaissance et celle d’Internet, ne possède aucune belle édition. Et pourtant, quelle n’a été ta surprise d’en découvrir une, coincée entre un Agatha Christie et une nouvelle version de Peter Pan, comme si elle t’attendait. Elle reprend l’idée de la couverture anglaise originale, celle avec une photo d’extraits manuscrits, mais en la transformant en quelque chose de palpable. Le livre en lui-même est bleu, clair comme un ciel d’hiver. Le titre est inscrit sur la partie centrale inférieure de la couverture, et tout autour, les extraits sont gravés dans des tons argentés, dans une police plus petite que l’originale. Sur la quatrième de couverture, çà et là, de l’espace a été laissé pour ajouter quelques symboles : une machine à écrire, un 45 tours, une K7, une veste de costume, le motif d’un papier peint fleuri. Tu ne peux décemment par repartir sans. D’une part, elle n’existe nulle part ailleurs, et surtout, elle est sublime.

Tu penses garder également l’édition bleu et or de The Song of Achilles qui te fait envie depuis des mois. Même la tranche est décorée de végétaux et d’une flèche. Tu hésites ensuite entre plusieurs autres livres, car tu voudrais te limiter à trois pour être raisonnable… Il y a cette édition rouge et noir qui regroupe tous les poèmes et nouvelles d’Edgar Allan Poe, et dont la couverture représente son fameux corbeau, un de tes poèmes préférés. Tu as aussi repéré un ouvrage dans des tons marron et or qui porte sur la mythologie nordique. Tu n’en as jamais entendu parler, mais le sujet t’a toujours intéressée, et du peu que tu en as feuilleté il te paraît complet, à la fois accessible, mais aussi sérieux, avec une bibliographie à la fin. Il est illustré, en plus. Enfin, tu envisages de compléter ta collection naissante d’Agatha Christie avec cette édition bleue de Murder on the Orient Express, qui comprend deux autres affaires d’Hercule Poirot : tu t’es récemment rendu compte que tu adores ce personnage.

Alors que tu tergiverses, en pleine concentration, tu sursautes lorsque la voix de ton compagnon de flâneries te parvient, près, très près.

« J’ai pensé que nous pourrions aller manger quelque part ; je connais un très bon salon de thé, si cela te dit », te propose-t-il à voix basse.

« Oh, absolument, j’aimerais beaucoup. Donne-moi juste une minute pour trancher, et j’arrive » réponds-tu, le souffle encore coupé par la surprise.

« Bien sûr. Je serai près de l’entrée. Prends ton temps. »

Il te laisse à ton dilemme cornélien. Tu as toujours détesté les choix, même les plus infimes : te voilà face à ton pire cauchemar. Alors que ton cœur apaise ses battements, tu jettes finalement ton dévolu sur le livre à propos de la mythologie nordique. Au moins, tu ne l’as pas lu : pour les autres, tu n’allais quand même pas acheter une troisième édition bleue, et Edgar Allan Poe peut attendre.

Tu retrouves ton ami installé dans un fauteuil, en train de feuilleter The ABC murders , un Hercule Poirot différent de celui que tu consultais. Vous allez régler vos trouvailles en même temps. Lorsque tu poses les tiennes sur le comptoir, le fait que tu aies choisi un livre sur la mythologie nordique semble l’amuser, mais il ne commente pas. Il ajoute les siens, et vous vous rendez alors compte que vous achetez toustes deux la même édition de The Song of Achilles . Vous échangez un regard, complices.

« J’aimerais te l’offrir, si tu es d’accord », te propose-t-il.

L’attention te fait fondre.

« D’accord, mais seulement si je peux t’offrir la tienne. Comme ça, on aura tous les deux quelque chose pour nous rappeler cette merveilleuse après-midi. »

« Je n’ai pas besoin de cela pour m’en souvenir, bien sûr, mais cela paraît juste. Faisons ainsi. »

Alors que tu payes tes livres, et le sien, il déclare soudainement : « Je reviens dans une minute. Tu peux m’attendre dehors, si tu préfères », et tu le vois repartir d’un pas rapide dans les rayons.

Tu décides effectivement de patienter à l’extérieur, tu as chaud et espères que le temps automnal te rafraîchisse. Tu souhaites une bonne soirée au vieil homme, réitères que sa librairie est superbe, puis tu sors. L’air froid te fait du bien, te permet d’appréhender la suite de la journée, de rassembler tes idées. Tu passes une main derrière ton cou. Tu as l’impression d’avoir été transporté ailleurs, ces dernières heures.

Il doit être autour de dix-sept heures trente, l’heure parfaite pour aller profiter d’une pâtisserie. Tu es toujours enthousiaste à l’idée de découvrir de nouveaux salons de thé. Tu as testé quasiment tous ceux en ville, mais peut-être ton compagnon a-t-il encore un atout dans sa manche ? Sur ces pensées, il sort de la boutique et te rejoins. Vous échangez vos exemplaires d’Achilles ; tu ranges le tien dans ton sac avec précaution.

« Alors ? » interroges-tu.

« Alors, laisse-moi te guider jusqu’à un endroit qui, je l’espère, te ravira. J’y allais régulièrement avant de découvrir ton salon de thé. Il n’est pas très connu, donc je crois qu’il te surprendra. »

« Parfait ! »

« Si tu veux bien », déclare-t-il en t’offrant son bras.

L’idée d’un contact avec lui répand une vague de chaleur en toi, lentement, de ton sternum jusqu’à tes joues. Tu baisses légèrement la tête pour le cacher et passes ton bras au-dessus du sien. Tu ne peux empêcher tes lèvres de s’étirer, discrètement. Sur le chemin qui mène au salon de thé, vous continuez de discuter de la librairie, de vos trouvailles, de vos lectures respectives. Tu es heureuxse de pouvoir converser de tout cela avec lui, de partager cette passion, que vous soyez sur la même longueur d’onde. Tu aimes l’entendre développer sur ce qu’il a perçu dans tel ou tel ouvrage, dans tel ou tel arc de personnage. Tu sais que tu pourrais t’adonner à cette activité à ses côtés pendant des heures.

Il te conduit dans un endroit moins discret que la première fois, mais difficile à trouver malgré tout. Si le salon de thé n’est pas caché entre deux ruelles, il siège dans un quartier assez peu fréquenté auquel on accède par une petite rue qui ne paie pas de mine. Il faut avoir en tête ce que l’on cherche, ou alors tomber dessus complètement par hasard en flânant, un jour de grande chance.

« J’avais vu une recommandation le concernant sur un blog, il y a environ un an. Il était décrit comme l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, de toute la ville et des alentours. Et c’est absolument exact, à l’exception du tien », t’explique-t-il devant ton air curieux.

Une fois passée la première rue, le quartier paraît ancien, probablement l’un des rares vestiges de la cité d’origine. Les bâtiments sont en pierres apparentes pour la plupart, et il y a même un square planté de vieux arbres. Une petite place pavée se tient juste à côté. Aucune voiture en vue, tout est piéton. Les habitants semblent investir le lieu, car il y a çà et là des embellissements divers, des pièces d’art, des constructions en bois. Comment as-tu manquer une gemme pareille ? À quoi as-tu donc utilisé ton temps qui soit plus important que de découvrir de si beaux endroits ?

Ton compagnon vous arrête face à une devanture crème, dont les larges fenêtres en arrondi permettent d’admirer l’intérieur. Le nom du salon est inscrit en lettres cursives noires : Tea time. Effectivement, ce qui transparaît de la décoration te donne cette impression. De confortables fauteuils tapissés, des nappes blanches avec des couverts en argent, des moulures aux murs et au plafond, et, sur le côté, un comptoir ainsi que des vitrines couverts de mets appétissants. Quelques clients épars habitent discrètement le lieu, probablement des habitués fidèles.

Lorsque ton ami te fait signe d’entrer, tu fais un vague geste de la main pour lui signifier de passer le premier. Si cela l’interroge, il n’en montre rien. Il salue la jeune femme derrière le comptoir, puis te désigne une table.

« Je pense que c’est la meilleure table, est-ce que ça te convient, ou une autre a attiré ton attention ? »

Cela t’importe peu, alors tu salues la tenancière aussi et vas t’installer là où il le proposait. C’est une belle place en effet : la fenêtre donne sur le grand arbre qui lui fait de l’ombre, et lorsque tu tournes la tête, tu as vue sur les douceurs présentées. Il s’assoit face à toi, et tu te rends soudainement compte de votre proximité, de l’intimité de cette table. Elle vous sépare à peine. Tu le regardes un bref instant, puis détournes les yeux. Tu essayes de ne pas rougir, mais tu sens que cela fonctionne peu. Il ne fait aucune remarque, se contente de te sourire paisiblement. Il semble heureux d’être ici.

La jeune femme s’approche de vous et te tend la liste des boissons et des pâtisseries. Elle ajoute que certains gâteaux ne sont visibles qu’au comptoir et que tu peux aussi y aller pour voir de plus près ce qui te plaît. Tu hoches la tête ; elle repart pour vous laisser le temps de réfléchir. Ton compagnon te précise que, comme tu t’en rendras rapidement compte, le principe du tea time est parfaitement respecté, puisque tu as également des mets salés à ta disposition : tout un assortiment de canapés et de petits sandwichs. En tournant les pages, tu t’aperçois qu’il a raison. Le sourire qui naissait déjà sur ton visage s’élargit encore. Quel bonheur d’être ici  ! Tu te sens ravie de pouvoir découvrir un si bel endroit, de passer du temps avec lui, d’être si proche de lui, et bientôt de pouvoir déguster de délicieuses petites choses. Tout se mélange dans ta tête en un tourbillon qui t’apporte une joie pure et fait briller tes yeux. Ses lèvres s’étirent aussi : il est heureux que les heures que tu partages avec lui te soient agréables. Heureux de te faire plaisir. Cela touche ton cœur un peu plus. Sans pouvoir t’en empêcher, tu marmonnes :

« Tu es vraiment attentionné ».

Il lève un sourcil et te rétorque « Le suis-je vraiment ? Ce n’est pas très difficile de simplement te montrer mes endroits préférés : c’est plutôt moi qui suis ravi. »

« Une heureuse coïncidence qu’ils soient en train de devenir mes endroits préférés aussi, alors ! » constates-tu.

Tu lis le menu une première fois et hésites à aller voir ce qu’il y a en vitrine et sur le comptoir. Il repère ton regard, puis se lève.

« Après toi. »

Tu t’empresses de te mettre debout, manquant de peu de faire tomber tes couverts. Honteuxse, tu t’approches du comptoir et plonges ton regard dans les sucreries. Du coin de l’œil, tu ne repères pas d’air de désapprobation ou d’agacement sur le visage de ton compagnon. Tes épaules se relâchent, et tu te concentres sur ce qu’il y a devant toi. Outre ce qui était déjà inscrit sur papier, tu remarques un gâteau à la châtaigne surmonté d’une crème à la framboise, découpé en parts. Il y a aussi des cupcakes au thé vert, avec une ganache au jasmin, et un cake à la myrtille et aux pistaches. Tu prends le temps de réfléchir, et ton compagnon fait de même. Exactement comme lorsqu’il hésite à ton salon.

Au bout de quelques minutes, tu retournes t’assoir pour relire le menu et élaborer ta décision finale. Il te rejoint peu après. La serveuse et gérante revient pour noter vos commandes, vous citez tous les deux ce que vous aimeriez. Vos choix n’ont rien en commun, si ce n’est une part de gâteau châtaigne-framboise, ce qui vous amuse à nouveau. Alors que la jeune femme se dirige dans l’arrière-boutique pour transmettre vos demandes, tu relèves les yeux vers ton ami. Il semble hésiter à dire quelque chose. Tu attends, patiemment.

« Tu as choisi toutes mes secondes options… »

« Pareil », offres-tu pour l’encourager – c’est la vérité, tout ce qu’il a pris te donnait envie aussi.

« Nous pourrions… partager ? Si ça te convient. J’aimerais beaucoup goûter ce que tu as commandé. »

Tu le sens gêné de proposer cela. Est-ce parce qu’il a peur que ce soit trop tôt, trop intime ? Ou a-t-il honte d’avouer que toute la carte le tente, comme si sa passion pour le sucré était quelque chose de disgracieux ? Ce n’est pas toi, qui as ouvert un salon de thé par amour des pâtisseries, qui lui jetterait la pierre, pourtant.

« Bien sûr ! » tu t’empresses de répondre. « Avec plaisir ! Moi aussi j’avais envie de tout essayer. »

Soulagé, son visage s’éclaire à nouveau et la moue d’inquiétude qui assombrissait ses traits disparaît. Il enchaîne pour poursuivre la conversation :

« La serveuse se trouve être la petite-fille de la précédente propriétaire. Lorsque sa grand-mère est décédée, elle a repris le salon. Je suis véritablement heureux qu’elle ait fait ce choix, j’adore cet endroit. »

« Il est vraiment joli », tu acquiesces. « Même le quartier ; il paraît plutôt vivant. Ça me fait plaisir que tu m’aies fait découvrir ce salon de thé. Et la nourriture a l’air incroyable, j’ai tellement hâte de goûter ! Peut-être que je devrais m’inquiéter de la concurrence », t’amuses-tu.

Vous continuez à discuter, du lieu, de livres à nouveau, de ce que vous avez commandé, un peu. Vos mets arrivent finalement, et tu t’émerveilles devant la présentation. Toutes les petites choses que tu as choisies sont amenées sur un sublime présentoir à étages en argent, et les siennes aussi. Dans de délicates assiettes blanches, les parts de gâteaux, et dans de fines tasses en porcelaines, vos boissons. Tu contemples un moment toutes ces douceurs, toute cette beauté éparpillée sur la table. À nouveau, tu ressens le bonheur d’être ici, l’excitation, ta chance. Il semble se dire la même chose. Un air presque étonné se dessine sur son visage, comme s’il n’en revenait pas que la journée soit si paisible. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’il vient, lui.

Tu mélanges ton chocolat chaud à la châtaigne d’un tintement de cuillère. Lui a commandé un thé noir aux fruits rouges. Sur les présentoirs sont entre autres exposés des crackers aux graines, de petits club-sandwichs au faux saumon, au concombre et avec une crème à l’aneth, des verrines remplies de couches d’humus, de croûtons et de betteraves confites au vinaigre, ou encore des cupcakes à la tomate surmontés de cream cheese à la ciboulette fraîche. Il y a aussi des tartes au citron taille réduite, des meringues, des fruits enrobés dans du chocolat, des entremets miniatures constitués de multiples mousses, des tranches de gâteaux roulés à la confiture, à la pâte à tartiner, au sirop d’érable. Tout est si raffiné. Vous contemplez toustes les deux l’abondance étalée devant vous.

Un instant, tu te demandes si l’après-midi se terminera après ce goûter. Vous n’avez pas discuté de cela, et tu te sens vaguement triste à cette idée. Le bonheur de cette journée te rassérène cependant, tu as profité bien plus que tu n’aurais pu le penser. Tu aimerais que cela dure toujours, mais tu as déjà eu ton content de souvenirs heureux. Tu sais bien que la gourmandise est un de tes vilains défauts : tu en veux encore plus. Tu te reconcentres sur les délices qui t’attendent.

Tu n’oses pas tendre la main et briser l’harmonie de la présentation. Devant ton hésitation, il attrape une tarte au citron et la place avec délicatesse dans sa bouche. Aussitôt, il ferme les paupières, comme s’il savourait. Une expression satisfaite apparaît sur ses lèvres. Tu profites de ce qu’il ne puisse voir pour l’observer, détailler son visage, gorger à nouveau tes yeux de sa perfection. Il éclipserait tous les délices du monde : d’ailleurs, tu en oublies de manger. Plus rien d’autre n’existe que ta contemplation, que le ravissement et l’émerveillement qui t’emplissent à cet instant, qui saisissent ton âme

Lorsqu’il rouvre les paupières, il te regarde d’un air interrogateur. Tu t’empresses de saisir une tranche de génoise à la confiture. Le sucre se répand dans ta bouche. Le moelleux fond sur tes papilles et l’acidité de la framboise rehausse sa douceur. Un met simple, mais tu n’es pas sûr d’avoir jamais mangé gâteau roulé si bon de ta vie, à part, peut-être, celui que tu fais toi-même, car tu l’as adapté à tes goûts. Tu laisses échapper un léger bruit d’appréciation, et ton compagnon se réjouit que tu savoures les produits du salon comme lui.

Durant l’heure qui suit, vous piochez dans les plats en argent, dégustez une cuillère de gâteau à la châtaigne, sirotez une gorgée de votre boisson, tout en continuant à discuter allégrement. La conversation tourne plutôt autour de la pâtisserie, des traditions de tel ou tel pays, de la façon dont tu pratiques telle ou telle technique. Il te questionne parfois sur une idée que tu as mise en vitrine dans ton salon, et semble très intéressé par le cheminement derrière, par la manière dont tu choisis et prends tes décisions concernant ce qu’il appelle tes œuvres. Tu es trop modeste pour faire de même, mais pour toi aussi la pâtisserie et la cuisine sont des arts.

Tu hésites à l’interroger sur ce qu’il fait dans la vie, alors tu restes vague. Tu déduis qu’il travaille de chez lui, et n’a que rarement la nécessité de se rendre à l’extérieur. Il te semble qu’il est expert en quelque chose, une science, mais tu ne saurais dire laquelle car tu n’es pas assez inquisiteurice. Tu auras peut-être l’occasion d’approfondir dans le futur. En tout cas, tu comprends mieux pourquoi il lui est si simple d’aller dans des cafés plusieurs fois par semaine, et qu’il ait besoin de s’aérer la tête s’il reste assis toute la journée enfermé.

Lorsque la conversation arrive à une pause naturelle, tu laisses ton regard dériver sur l’extérieur. La luminosité faiblit légèrement, la nuit tombera d’ici une heure ou deux. Tu te demandes à nouveau si votre rendez-vous va s’arrêter là. Tu n’as rien à proposer pour le continuer, et ce serait inconvenant alors que c’est lui qui a organisé l’après-midi. Peut-être souhaite-t-il passer la soirée seul. Tu pourrais parfaitement comprendre qu’il veuille du temps en solitaire et ait besoin de se reposer. Si tu n’étais pas portée par l’adrénaline, tu fatiguerais aussi.

Soudain, ton compagnon te sort de tes pensées. Tu sens son regard peser sur toi, quelques secondes. Tu te tournes vers lui, et à nouveau, il semble hésitant.

« Est-ce que tu… est-ce que tu aurais envie de dîner avec moi, ce soir ? »

Surpris, tu ne réagis pas immédiatement.

« Je comprendrais parfaitement que tu fatigues, ou que tu préfères avoir ta soirée pour toi, je ne veux pas m’imposer. Sens-toi libre de répondre honnêtement, je ne veux vraiment pas être pesant. »

Tu le vois s’embrouiller dans ses mots, son débit s’accélère au fur et à mesure, et tu t’aperçois qu’il est anxieux. Tu mets donc fin à sa souffrance dès qu’il termine sa dernière phrase.

« Honnêtement ? J’aimerais beaucoup. Je ne veux juste pas être un poids non plus, donc si tu préfères être seul, pas de soucis, je ne le prendrai pas mal. »

Vous vous contemplez quelques secondes, et tu te sens un peu rassurée qu’il puisse être angoissé comme toi. Il t’apparaît plus accessible, moins descendu des cieux. Finalement, il déclare :

« Cela me ferait vraiment plaisir de passer plus de temps avec toi. Être en ta compagnie me rend heureux. »

Tes joues commencent à te brûler. Une fois encore, une douce chaleur enfle dans ta poitrine. Tu n’as pas son éloquence, alors tu te contentes de répondre : « Moi aussi ». Tu l’énonces avec une telle conviction, cependant, qu’il découvre dans tes yeux la même intensité que dans les siens. Il te sourit, apaisé.

« Nous pourrions aller nous promener au parc ? Peut-être s’assoir un peu et lire, pour passer le temps jusqu’au repas ? »

« Ça me paraît une excellente idée », tu acquiesces. La perspective de poursuivre ta soirée avec lui te réjouit au plus haut point ; toute trace d’inquiétude quant à la fin de la journée a disparu.

Vous réglez toustes les deux l’addition et complimentez la gérante. Lorsque vous sortez, l’air est encore presque doux malgré la saison. Vous discutez un instant du parc à choisir, puis vous mettez d’accord sur le plus grand, pas très loin d’ici. S’il est plutôt populaire, il devrait être presque vide à cette heure, surtout en octobre. Vous vous y dirigez, presque en silence, ton bras sur le sien. La lumière rasante apporte une intimité nouvelle, qui jusque-là ne vous avez effleuré·e·s qu’à la librairie, lorsque vous étiez côte à côte, perdu·e·s dans les rayons.

Tu connais bien le parc dans lequel vous allez. Il est rempli de grands arbres tout au long du chemin, qui parsèment aussi la prairie. Tu t’y rends souvent pour lire, le dos appuyé contre l’écorce et un pique-nique dans ta besace pour pouvoir rester plus longtemps. Tu n’as jamais croisé ton compagnon là-bas, mais il est vrai que vous n’avez pas les mêmes horaires.

Lorsque vous arrivez, l’endroit est comme prévu quasiment désert. Vous suivez d’abord le chemin, et faites le tour, à pas mesurés, une première fois. Vous flânez, admirant tel ou tel massif, telle fleur, tel arbre centenaire, et vous reprenez vos discussions sur tout, sur rien. Vos lectures amènent à des sujets parfois plus profonds, plus philosophiques. Vous échangez vos points de vue, argumentez, et vous comprenez. Si vous n’avez pas systématiquement le même avis, la direction globale est similaire, et chacun·e apporte à l’autre du grain à moudre. Tu as toujours aimé ce genre de conversations. Pas une bataille, mais plutôt une promenade, avec des pistes de réflexion nouvelles qui émergent à chaque occurrence. Tu n’aurais pas l’énergie de discuter avec quelqu’un qui méprise tes convictions les plus fondamentales, ou qui essaie d’avancer son opinion sans s’être renseigné sur le sujet. Ton partenaire en revanche, tout comme toi, est capable d’avouer qu’il n’a pas assez de connaissances pour avoir quelque chose à apporter, et vous passez simplement à autre chose.

Vous terminez votre promenade et décidez d’aller vous installer dans l’herbe, sous un groupe d’arbres. Tu tâtes le sol : il n’a pas encore eu le temps de trop refroidir. Alors que tu te demandes de quelle manière tu vas t’assoir, ton compagnon sort de son sac une fine couverture. Tu es d’abord perplexe, puis comprends qu’il avait envisagé ce cas de figure, et qu’au cas où, sans être sûr que cela soit utile, il a choisi ce matin d’emmener cette couverture avec lui. Admiration et émerveillement te parcourent à l’idée que quelqu’un puisse réfléchir de cette manière ; ses attentions te touchent, profondément. Il voit tout cela dans tes yeux, et tu discernes dans les siens que cela lui fait plaisir. Il te sourit largement, d’un de ses sourires francs, joyeux, lumineux. Embarrassé, tu t’empresses de t’assoir sur le tissu qu’il a installé.

Vous sortez un livre, mais n’y touchez pas. L’envie de continuer à discuter est bien plus forte. Petit à petit, les conversations deviennent plus personnelles, vous rapprochent. Finalement, vous en venez à votre vision des relations, de l’amour, de la communication en général. Puis, sans qu’aucun·e de vous l’initie vraiment, vous revenez sur le moment où il t’a proposé ce rendez-vous. Puis sur la façon dont vous avez chacun·e été intéressé·e par l’autre. C’est lui qui commence, il est de toute façon toujours plus confiant que toi. Du moins, il fait mieux semblant.

Il t’explique que s’il a tendance à observer les gens, c’est plus par plaisir esthétique, car il n’est pas attiré par eux. Il ne cherche personne, et ne se pose donc pas la question d’éventuelles relations. Dans sa vie de tous les jours, il ne prête pas attention aux individus de cette manière, ni d’une autre, d’ailleurs. Il est enclin à rester dans son monde et ses pensées. Les contacts humains lui pèsent la plupart du temps. Comme pour tous les autres, il n’avait pas non plus prêté attention à toi plus que cela. Ce sont des détails, qui l’ont interpellé. Alors qu’il observait le salon, il a vu que tu lisais. Lorsqu’il choisissait ses goûters, il a parfois aperçu par transparence, de ton côté du comptoir, un ouvrage qu’il avait justement dans son sac, ou qu’il avait apprécié. Il n’y a pas pensé plus que cela sur l’instant, mais la coïncidence l’a intrigué. Il a mieux compris pourquoi il aimait la façon dont tu avais décoré, et tes pâtisseries.

Tu devines que l’expression mi-apaisée, mi-amusée que tu lui as vu l’autre jour était dû à cela. Plus précisément, il ne pouvait croire la probabilité d’être tombé sur quelqu’un aux goûts si parfaitement similaires aux siens. Tout dans ton salon l’appelait, attirait son âme, le poussait à revenir sans cesse, comme jamais aucun endroit auparavant.

Ce qui l’a également interpellé, te dit-il, ce sont tes latte arts. Il n’aime pas la répétition, c’est pour cela qu’il t’a demandé si le motif pouvait changer. Et chaque fois, tes dessins l’ont surpris.

« Comment faisais-tu pour les choisir ? » te questionne-t-il d’ailleurs avec avidité.

Tu n’as jamais vraiment su, et lui avoues avec honte, à demi-voix, que tu as fait à l’inspiration, que tu ne pourrais dire ce qui t’a influencé. Cela l’amuse.

« Eh bien, je pense que j’ai la réponse, ou pour être plus précis, j’ai une hypothèse. »

Tu le regardes, perplexe. Il t’explique alors qu’il a toujours su relier tes motifs à quelque chose, et que c’est ce qui a attiré son attention. Tu ne choisissais pas n’importe quel dessin, tu faisais effectivement avec l’inspiration du moment, avec ce que tu avais sous les yeux, avec ta sensibilité, et c’est cela qui lui a plu. Il se souvient du premier, un soleil et une étoile. Il faisait beau ce jour-là, mais il a aussi surpris ton regard sur ses mains illuminées par les rayons. L’étoile, il l’a interprétée comme une distraction, une part de nuit, comme si ton esprit était tourné vers les cieux. Il te parle du chat, que tu as dessiné alors qu’il parcourait un livre dont la couverture en représentait justement un. Des arabesques que tu as tracées sans y penser, en fait celles de son veston du moment. De la petite fraise, alors que tu venais de mettre en vitrine une fournée de cupcakes nouveaux, surmontés de fraises entières. D’un corbeau, le jour où il lisait Edgar Allan Poe, et du crochet de pirate quand tu dévorais une histoire sur le Capitaine Crochet. D’une feuille de monstera, alors que, quelques minutes auparavant, il s’était absorbé dans la contemplation de celle de ton salon. D’une chaîne de montagne, parce qu’il avait un sac avec des courbes qui les rappelaient… Il finit par s’arrêter, se rendant compte que tu deviens plus rouge à chaque occurrence. Tu es contente que la faible luminosité dessine des ombres sur ton visage.

« Enfin voilà, je voulais juste évoquer que j’affectionne tes motifs. J’admire ton esprit, ta porosité à ton environnement, et c’est ce qui m’a fait m’intéresser à toi, et progressivement, à être plus qu’intéressé. Je mourrais d’envie de te parler, de plus en plus. J’ai eu l’impression que nous avions beaucoup de choses en commun, et j’espérais avec une conversation profonde, pleine de sens, comme aujourd’hui. C’est pourquoi je suis ravi que tu aies accepté, et heureux que ces moments n’aient pas été ennuyeux, que tu aies aimé les endroits que je t’ai montrés. Merci pour cette délicieuse journée, vraiment. »

Lorsqu’il termine, tu te rends compte que tu as arrêté de respirer. Tes joues brûlent toujours, tout comme l’entièreté de ton corps. Tu te demandes si tu rêves ; tu as chaud, puis froid, d’une façon positive que tu ne saurais expliquer. Des fourmis parcourent tes bras. Tu as l’impression d’avoir attendu toute ta vie pour un instant comme celui-ci. Pour ressentir cette intensité, cette connexion, comme si vos âmes s’étaient trouvées. C’est presque trop beau pour être vrai, mais tu le sens sincère. Tu restes sans voix quelques minutes, et il ne te relance pas. Il te laisse prendre ton temps, faire les choses à ton rythme. Il se dégage de lui une évidence, une tranquillité qui rend le silence paisible. Finalement, tes cordes vocales se délient suffisamment pour que tu puisses formuler d’un ton étranglé :

« C’est… de l’avoir verbalisé… merci. Ce n’est pas toujours facile, de parler de ce qu’on ressent, je veux dire, et j’admire ton courage. Je veux que tu saches que je suis vraiment touchée par tes mots. Je n’ai pas souvenir que quiconque m’ait jamais dit quelque chose d’à moitié aussi gentil. Merci. Vraiment. Et merci pour ce merveilleux, merveilleux rendez-vous. J’ai passé des heures parmi les plus belles de ma vie. Je me sens si heureuxse, et c’est grâce à toi. Si heureuxse d’avoir trouvé quelqu’un avec les mêmes intérêts que moi, et de pouvoir partager ce genre de moments. Merci pour tous ces endroits ravissants que tu m’as montrés. J’espère que j’y retournerai avec toi un jour. Je me sens si bien que je pourrais en pleurer », termines-tu en lui souriant.

Délicatement, il pose l’une de ses mains sur la tienne, et la serre, doucement, s’inclinant vers toi, son regard dans le tien, pour partager l’intensité qui te traverse. Après quelques secondes, il la retire pour te laisser de l’espace. Après quelques minutes, il offre :

« Qu’est-ce que tu lis, en ce moment ? »

Malgré le fait que vous ayez discuté littérature toute l’après-midi, vous n’en étiez pas encore arrivé·e·s là. Tu lui réponds avec plaisir, et un peu de soulagement. Vous continuez sur le sujet jusqu’à ce que le soleil se couche complètement, et qu’il soit l’heure d’aller dîner. Il se lève alors, et te tend la main pour t’aider. Tu la saisis, te retrouves un peu trop proche de lui dans l’amplitude du mouvement. Tu respires son odeur, qui te monte à la tête immédiatement, que tu adores immédiatement, et ta respiration se coupe sous l’effet du choc. Tu fais un pas en arrière, maladroit. Ton trouble l’amuse, mais il ne te fait aucune remarque, alors tu ne t’en aperçois pas.

Il replie la couverture, puis t’offre son bras à nouveau. Tu l’acceptes, mais tu restes perturbé tout le long du trajet par ce rapprochement soudain, et par son parfum, qui t’arrive encore par effluves passagers, auxquels tu avais tenté de ne pas prêter attention jusque-là pour éviter ce genre de problèmes. Aimable, il continue à faire la conversation durant le chemin vers le restaurant qu’il a choisi. Un restaurant végane, que tu voulais essayer depuis longtemps. Évidemment. Il a noté que tout était végane dans ton salon de thé, et il l’a pris en compte. Cet homme ne fera-t-il donc jamais la moindre erreur ? Peut-être est-il un ange, ou une créature mystique, ce qui expliquerait de manière plus rationnelle sa perfection, son charme, son tact, sa gentillesse, son attention, son esprit brillant. S’il n’est rien de tout cela, tu devras envisager sérieusement que tu as rencontré la plus merveilleuse des personnes de cette planète.

« Ce restaurant te convient ? » te questionne-t-il tout de même. Tu as failli éclater de rire devant l’absurdité de sa demande, mais te retiens juste à temps.

« Bien sûr qu’il me convient, Monsieur Je-suis-parfait-en-tous-points. Je voulais l’essayer depuis des lustres. Je vais finir par penser que tu peux lire dans mon esprit », conclus-tu.

Cela le fait rire aussi et le rassure, mais tu sens également que quelque chose de plus l’amuse, comme une référence que tu n’aurais pas, un commentaire qu’il se ferait à lui-même. Tu hausses les sourcils d’un air interrogateur, mais il n’ajoute rien et t’invite à l’intérieur.

Le restaurant fait la part belle au bois : les murs sont tapissés de lambris sombres, les chaises et les tables sont finement ouvragées et tirent sur l’acajou, et au milieu de la pièce une grande sculpture suspendue de branches flottées, amassées comme un tourbillon. Il y a des plantes de toutes sortes dans chaque recoin ; sur le comptoir, les étagères, les murs : partout. C’est l’un des éléments qui avaient attisé ton envie. Plutôt que d’avoir plusieurs lampes centrales, ce sont de grosses ampoules à filament qui sont accrochées ici et là et pendent du plafond comme de multiples étoiles. Elles offrent une lumière tamisée, reposante.

Ton compagnon donne son nom, noyé dans le brouhaha, il avait réservé au cas où. Bien sûr. Il est vrai que le restaurant est devenu populaire. Vous vous installez près d’une fenêtre à nouveau, et tu parcours avec avidité le menu, de plus en plus extatique à la vue de ce qui y est proposé. Tu avais déjà consulté à plusieurs reprises les plats sur leur site Internet, mais c’est leur carte d’automne qu’ils affichent désormais, et chaque nouveauté te fait saliver. Tu aimerais commander l’intégralité des mets. Il semble que ce soit le cas de ton compagnon également, il lit avec intérêt chaque description, l’air concentré.

« C’est trop difficile de choisir, je veux tout goûter ! » tu soupires finalement.

Il te contemple quelques secondes, puis propose, joueur :

« Cite-moi ce que tu as le plus envie d’essayer. Peut-être que nous pourrons arriver à un accord. »

Tu t’exécutes alors, en faisant de ton mieux pour nommer uniquement les deux entrées, deux plats et deux desserts qui te tentent le plus. Tu lui demandes ensuite de faire de même : hors de question qu’il commande seulement ce qui te ferait plaisir. De toute façon, tout t’intéresse. Vous discutez quelques minutes, puis arrivez à vous accorder sur ce que vous allez choisir ensemble : vous partagerez, comme plus tôt. Si vous n’avez pas exactement les mêmes goûts, la qualité du restaurant t’assure que tu aimeras tout, y compris ce que tu n’aurais pas pris en premier.

C’est sur les desserts que vous aboutissez le plus facilement à un consensus. Ils proposent un entremet spécial Halloween, à la citrouille, que vous auriez certainement commandé toustes les deux si vous ne vous étiez pas consulté·e·s. Vous entendre vous permet donc même d’avoir une sucrerie supplémentaire : tu ne pouvais rêver mieux. Vous choisissez rapidement une pâtisserie aux fruits rouges, un genre de fraisier en plus élaboré, pour éviter tous risques gustatifs et parce que vous savez déjà que vous aimez toustes les deux ce genre de gâteau.

Une fois vos commandes passées, vous laissez votre regard se promener sur le décor. Vous prenez le temps d’admirer, de profiter de l’ambiance, de vous en imprégner. Même si le restaurant est complet, le volume sonore reste bas et tu ne te sens pas mal à l’aise. Tu examines les différentes espèces de plantes, et vous vous lancez finalement dans une conversation sur le sujet. Tu n’y connais pas grand-chose, mais tu les aimes toutes. Lui paraît beaucoup plus informé et te donne des détails sur telle ou telle spécificité, que tu écoutes avec plaisir. Tu apprécies lorsque quelqu’un peut parler sans fin de ce qui l’intéresse, et encore plus lorsque c’est lui. Tu pourrais te laisser bercer par ce son durant des heures. La nuit dehors renforce cette sensation, et tes pensées dérivent ; ta concentration s’attache au timbre de ses inflexions, à leur douceur, à la chaleur avec laquelle il s’exprime, à ses intonations, la profondeur de sa voix qui semble toujours venir des tréfonds de sa poitrine. Tu souris. Tu te rends compte, quelques secondes après, qu’il a arrêté de parler et te fixe lui aussi avec la même expression, presque tendre. Il n’a pas l’air offensé que tu ne l’écoutes plus. Tu commences à rougir et t’apprêtes à t’excuser quand il demande :

« À quoi penses-tu ? ».

Tu ne peux décemment pas le lui dire, alors tu offres une demi-réponse, une partie de la vérité.

« Je me disais que ta voix est vraiment apaisante. »

Son visage s’illumine, heureux du compliment, partiellement amusé de savoir que ce genre de pensées te traverse l’esprit, mais il ne commente pas. Pour éviter que la situation ne s’éternise, tu le relances sur l’une des plantes qu’il te décrivait. Vos entrées arrivent peu de temps après, et vous les savourez presque en silence. Vous en venez à discuter cinéma, vous évoquez vos films préférés, vous n’en avez que peu en commun. Pourtant, lorsque chacun·e raconte quels thèmes ils abordent, vous vous dites toustes deux que ces œuvres pourraient vous plaire et ne comprenez pas comment vous avez pu passer à côté. Tu n’oses pas proposer qu’à l’occasion, vous rattrapiez votre retard ensemble. Après tout, c’est peut-être trop précipité, trop envahissant. Il n’ose pas non plus, pour les mêmes raisons.

Vos plats sont délicieux et vous piochez dans l’assiette de l’autre comme si vous vous connaissiez depuis toujours. Son seitan mariné et frit est à tomber, ta crème de butternut aux champignons n’est que légèrement supérieure. Tu es en train de passer l’une des meilleures soirées de ta vie : de la nourriture originale, époustouflante, savoureuse ; un lieu ravissant ; des conversations qui te stimulent, et un sentiment de connexion que tu n’avais jamais ressenti, comme si ton compagnon sortait tout droit de ta propre imagination, que tu lui avais ajouté toutes les caractéristiques que tu aimes chez quelqu’un.

Vous dégustez votre dessert lentement, à la fois parce qu’il serait criminel de le manger trop vite, mais aussi parce que vous savez toustes deux que la fin approche, que vous voulez faire durer l’instant autant que possible. Après avoir raclé vos assiettes, vous restez discuter encore un peu. Vous commandez même une infusion. Lorsque vient l’heure de la fermeture, vous vous levez à regret. Vous réglez l’addition ; il insiste pour t’inviter, mais tu refuses.

Vous vous retrouvez dehors, vos respirations comme de petits nuages de vapeur. Vous vous observez, quelques secondes, sans rien dire, ne sachant par où commencer. Vous pourriez vous séparer à ce moment-là, mais il te propose de te raccompagner à votre point de rendez-vous. Il ne suggère pas de te ramener jusqu’à chez toi, et tu apprécies qu’il ne soit pas intrusif. Tu es heureuxse de grappiller quelques miettes de temps grâce à cela. Lui aussi. Vous marchez côte à côte et le froid vous mord les doigts. Il est encore trop tôt pour que vous réchauffiez vos mains ensemble, alors tu les rentres dans tes manches, et vous avancez à pas mesurés ; le rythme de votre conversation suit le mouvement. Si toute la journée vous aviez parlé avec animation, le dialogue se fait plus lent en cette fin de soirée, presque traînant. La fatigue, sûrement, et la perspective de cette journée qui se termine. Malgré tout, le moment reste agréable, car sa compagnie t’est toujours aussi plaisante, même à cette heure où tu devrais normalement être chez toi avec un plaid et un livre à tes côtés.

Vous arrivez, presque à reculons, là où vous vous étiez retrouvé·e·s ce matin. À nouveau, vous ne savez pas comment terminer cette journée et vous vous regardez en silence.

« Bon… », tu essayes.

Il continue à t’observer, comme s’il cherchait quelque chose, comme s’il voulait graver ton visage dans sa mémoire, comme s’il n’était pas sûr de te revoir. Tu as le sentiment que ses yeux fouillent ton âme en quête d’une réponse presque vitale. Finalement, il déclare, presque à voix basse :

« Tu es le personnage principal, ce n’est pas qu’une impression. Pour moi, en tout cas, et je pense que tu peux te percevoir comme cela aussi. Ce que j’essaie de dire, c’est que… Je ne suis personne pour te dire comment mener ta vie, j’espère seulement que tu saisiras toujours les opportunités, et vivras pleinement. Que tu ne te sentiras jamais comme un fantôme, ou que tu n’auras pas l’impression que le monde avance sans toi. C’est un terrible sentiment. C’est moi, qui suis le plus chanceux dans cette histoire, et tu ne t’en rends même pas compte. S’il te plait, soit plus conscient de la personne merveilleuse, brillante, attentionnée, créative, et pleine d’esprit que tu es. »

Tu ne comprends pas immédiatement à quoi il fait référence. Puis tu te souviens, vaguement, avoir dit dans tes messages que tu te sentais comme le personnage principal d’un roman grâce à lui, et que tu étais chanceuxse que tout cela t’arrive. Tu aurais pu t’agacer de ses propos, à la limite d’être paternalistes, mais justement, tu n’as pas le sentiment qu’il a franchi cette ligne. Ce que tu perçois surtout, dans ses mots, et les traits de son visage, ce sont la profonde considération qu’il te porte, un peu d’inquiétude, et la souffrance de quelqu’un qui a vécu ce dont il parle. Et ton cœur se serre pour lui.

« Ça tombe bien, c’est aussi ma philosophie, de savourer pleinement. C’est pour ça que j’ai ouvert mon salon de thé. Ne t’en fais pas pour ce genre de choses, s’il te plait, même si j’apprécie. C’est vrai que ce n’est pas toujours facile, d’avancer, de créer, de profiter du moment et de construire la vie qu’on veut. Parfois, je suis découragée. Mais je n’ai jamais abandonné. Je dois être quelqu’un d’optimiste, je suppose. Un genre d’optimisme travaillé », tu ricanes.

Ses derniers mots parviennent ensuite jusqu’à ta conscience, et tu rougis devant tant de compliments. Tu les apprécies, du fond de ton cœur. Tu aimes la façon qu’il a de dire honnêtement ce qu’il pense, d’avoir le courage de parler de ce genre de choses, sans être embarrassé. Alors tu fais l’effort de faire de même.

« Et je te renvoie chacun de tes mots. Ça me fait plaisir que tu te sentes chanceux, mais je me sens vraiment comme ça aussi. Et tu es une personne incroyable, t’avoir trouvé est une coïncidence inespérée. J’ai adoré chaque seconde de cette journée, vraiment. Je suis si heureuxse de t’avoir rencontré. C’est toi qui es merveilleux, et brillant, et gentil, créatif et attentionné, et passionné, drôle, plein de surprises, et je pourrais continuer comme ça pendant longtemps, mais j’ai aimé chaque partie de toi que tu m’as fait découvrir. Je te suis vraiment reconnaissante. Pour le fait que tu te sois révélé un peu à moi, et aussi d’avoir fait le premier pas. Merci. Vraiment. »

Durant quelques secondes, il ne dit rien. Tu vois différentes émotions passer sur son visage. Perplexe, gêné, hésitant, incrédule, puis une fois qu’il a terminé de tourner tes mots dans son esprit, ses traits s’illuminent, ses lèvres s’étirent avec bonheur, et une nouvelle vague de chaleur s’étend dans ta poitrine. Tu lui souris, heureuxse, en retour.

« Donc tu as apprécié notre rendez-vous ? » demande-t-il comme pour être sûr qu’il a bien compris.

« Évidemment que je l’ai apprécié ! Je l’ai adoré, même ! » réponds-tu en haussant la voix et les yeux au ciel. « Tu es du genre anxieux, derrière toute cette confiance, non ? »

Cela le fait rire, et ses éclats s’élèvent dans la nuit, tintent dans le froid de ce mois d’octobre, ravissent les étoiles autant que toi.

« Est-ce que tu… aimerais recommencer ? Partager du temps avec moi ? » demande-t-il à nouveau, plus assuré. Tu perçois tout de même une vague lueur d’incertitude dans ses yeux.

« J’aimerais beaucoup. Mais la prochaine fois, c’est moi qui organise quelque chose. C’est à mon tour de te surprendre », déclares-tu avec détermination.

« Avec grand plaisir. J’attendrai que tu sois prête, alors. Nous nous recroiserons sûrement à ton salon entre-temps, si ça ne te pose pas de problème. »

« Aucun, je ne mettrais jamais dehors mon meilleur client ! » réponds-tu en riant.

Tu aimes le voir régulièrement et la perspective qu’il s’éloigne simplement parce que vous vous rencontrez en dehors te gêne. S’il apprécie ton salon de thé, tu te sentirais mal de l’en priver alors que tu l’as aussi construit comme un refuge contre le monde. S’il s’y trouve bien, cela te fait plaisir.

« Je t’enverrai toutes les infos quand j’aurai préparé mes plans. »

Tu espères malgré tout que vous aurez l’occasion de discuter d’ici là, par message au moins, mais tu ne sais pas si tu seras capable de faire le premier pas pour entamer la conversation.

Pour éviter que la situation ne traîne et que vous soyez à nouveau mal à l’aise, c’est lui qui met un terme à votre échange.

« Je te souhaite une bonne nuit, alors. Rentre bien. Et merci encore pour cette journée. Fais de beaux rêves. »

« Bonne nuit. C’est moi qui te remercie d’avoir organisé tout ça. C’était si bien. À bientôt ! »

Vous vous faites un dernier signe de la main, puis partez de votre côté ; tu résistes à l’envie de te retourner pour le regarder, l’observer encore un peu. Tu rentres rapidement chez toi, le corps gelé. Tu te prépares une infusion pour te réchauffer, et ranges tes nouveaux livres en attendant qu’elle soit à température buvable. Tout le long, tu rejoues cette journée dans ta tête, et à chaque fois, tu te sens bien. Apaisé, calme. Tu souris sans pouvoir t’en empêcher. Lorsque tu vas te coucher, tu t’endors rapidement, l’esprit rempli de souvenirs pleins de joie, et d’une affection renforcée par les moments que tu as pu passer à ses côtés. Ton crush est en train de devenir plus que cela, et cela ne t’effraie pas encore. Ta dernière pensée est de te rendre compte que la journée était si dense, les conversations si animées, que vous n’avez même pas échangé vos prénoms.

Commentaires

Mais trop cute le petit date - qui est en fait un très long date ! Que vont-ils déguster d'aussi, voire de PLUS délicieux encore, la prochaine fois ??? Intenable suspense
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mercredi 1 mai à 22h41
Ahahah vraiment des pingouiiiins ! Mais si mignons, si adorables :) C'est vraiment très doux comme romance
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mercredi 1 mai à 23h09