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Aloyse Taupier

lundi 1 juillet 2024

J'irai boire du thé sur ta tombe

Chapitre 5

Au fur et à mesure de vos conversations, celles-ci deviennent plus profondes encore, comme lors de vos rendez-vous. Vous allez plus loin dans les analyses des livres que vous lisez, vous appesantissez plus facilement sur l’impact intime qu’ils peuvent avoir sur vous, et ces discussions étendent souvent leurs ramifications vers vos vies personnelles, vos pensées plus dissimulées. Vous échangez parfois des secrets jamais révélés auparavant, parce que nul n’avait cherché à les excaver, ou que personne n’aurait compris. Vous posez chacun·e beaucoup de questions – et encore, vous vous retenez – comme si vous brûliez de tout découvrir l’un de l’autre. Vous avez rapidement convenu que tout pouvait être demandé, mais qu’aucune réponse n’était obligatoire. Jusque-là, il n’est jamais arrivé qu’une interrogation reste en suspens. Il a parfois fallu du temps pour élaborer, trouver les mots, mais vous aviez toustes deux envie de partager, de vous livrer entièrement, sincèrement. De faire cet effort.

Tu te répétais qu’au moins, si quelque chose ne lui plaisait pas, il était mieux que vous vous en rendiez compte tout de suite, avant de trop s’attacher. Tu savais qu’il était bien trop tard, évidemment, et que la fin de votre histoire naissante te briserait le cœur, mais tu te l’étais promis : tu ne te transformerais plus jamais en une personne dans laquelle tu ne te retrouvais pas, ni ne resterais avec quelqu’un qui regardait avec dédain certains pans de ton individualité.

Pour le moment, rien chez lui ne t’avait déplu, rien chez toi ne l’avait chagriné non plus. Vous étiez deux âmes similaires, heureuses de s’être trouvées. Vous rencontriez bien des divergences d’opinions, mais elles donnaient généralement lieu à de longs débats, intéressants pour vous deux, dont vous ressortiez soit convaincu·e·s par l’autre, soit en ayant à minima compris son point de vue. Vous possédiez chacun·e des avis plutôt raisonnables, basés sur la réflexion, certes mêlée à votre ressenti ici et là, mais vous n’en deveniez en aucun cas borné·e·s ou injustes. Tout possédait une certaine logique, qui vous prenait parfois du temps à expliquer.

Malgré votre affection de plus en plus dévorante, vous n’en restiez pas moins peu sociables, et aviez ponctuellement besoin de retourner à votre solitude. Dans ces cas-là, lui, ou toi, passiez la journée, parfois plus, sans répondre, sans avoir votre téléphone à la main. Cela ne choquait ni toi ni lui : vous compreniez. Cela n’empêchait pas ton cœur d’accélérer lorsqu’il franchissait le seuil de ton salon, ni ses yeux de s’illuminer à ta vue. Chaque conversation, chaque échange, vous rendait un peu plus attaché·e à l’autre. Tu avais envie de passer l’intégralité de ton temps à ses côtés, mais tu appréciais aussi les heures calmes, où tu te retrouvais avec toi-même, où tu te concentrais sur tes pâtisseries, lisais quelques pages, regardais une série. De plus, l’idée d’augmenter les moments en sa compagnie amenait également un certain nombre d’angoisses supplémentaires que tu préférais mettre de côté.

Comme il l’avait promis, il avait toujours respecté ton rythme, t’avait laissée accomplir le premier pas dans la moitié des conversations, et n’avait montré son implication et son enthousiasme que lorsqu’il avait été sûr que c’était ce que tu désirais. Tu l’avais invariablement senti aussi intéressé que toi, aussi envoûté par vos discussions, et cela t’avait rassuré. Jamais il ne t’avait paru distant, du moins en dehors de ces rares instants où tu avais vu son visage adopter une expression lointaine, parfois pensive. Cela ne s’était cependant pas retrouvé dans ses mots.

À l’approche d’Halloween, qui se tient mardi prochain, ta semaine au salon est particulièrement chargée ; de plus en plus de gens commencent à vouloir se plonger dans l’ambiance. Tes pâtisseries rencontrent énormément de succès, et il devient habituel que tout ton stock soit écoulé à la fin de la journée, malgré la seconde fournée que tu ajoutes. Tu as à peine le temps de saluer Máni ce mardi, mais vous échangez un sourire qui te donne toute l’énergie dont tu as besoin, et sa beauté étreint ton âme comme d’habitude.

Jeudi se révèle un peu plus calme : beaucoup de clients sont venus la veille. En fin d’après-midi, le flot s’apaise. Tu voles une poignée de minutes pour partager quelques mots avec l’élu de ton cœur. Il te demande s’il peut rester ici jusqu’à la fermeture, car il aimerait discuter plus amplement avec toi, et cela te fait plaisir qu’il veuille t’attendre. Tu ne te trouves pas en pénurie de conversations avec lui, puisque vous parlez régulièrement, mais sa présence, sa chaleur, son charme, son rire t’ont manqué. Tu l’observes à la dérobée entre deux préparations de chocolats chauds. La délicatesse de ses traits, ses mèches noires, presque ondulées, qui encadrent son visage et qu’il ramène parfois derrière son oreille quand il lit, ses mains fines qui tournent les pages, l’élégance de ses habits, sa posture légèrement courbée, trop pour son âge. Il est parfait en tous points, et s’il a des défauts, ton affection les efface tous. Tu l’aimes, tellement. Comment peut-il exister une aussi belle âme sur cette planète, que tu as en plus le privilège de côtoyer ? Tu bénis ta chance et ton bonheur.

Il sent ton regard dans son dos et relève la tête vers toi, puis te souris, du fond de son cœur. Tu as l’impression de retomber amoureuxse de lui chaque fois qu’il agit ainsi. Comme si ta poitrine était à nouveau transpercée par une flèche qui agitait les papillons dans ta cage thoracique. Tu lui rends son sourire, heureuxse. Puis tu retournes à tes occupations.

À la fin de la journée, lorsque le dernier client est sorti, Máni t’aide à ranger et nettoyer. Tu protestes, il a certainement prévu de travailler en rentrant, mais il tient à te soutenir à sa manière. Il ajoute que ses tâches ne sont de toute façon qu’intellectuelles. Vous commencez à discuter durant ce temps, puis finissez toustes deux par vous assoir dans deux fauteuils pour continuer. La perspective de stagner devant la porte, dans le froid, jusqu’à ce que la conversation se termine, ne vous enchante guère. Ici, vous pourrez prendre votre temps. Vous évoquez une chose puis une autre, votre journée, votre quotidien récent, telle ou telle information vue sur les réseaux, tel ou tel article intéressant. Vous restez ensemble une bonne heure. Ni lui ni toi n’avez envie de mettre un terme à ce moment volé, mais vous savez toustes deux que vous avez diverses tâches à accomplir avant d’aller vous coucher. Vous grappillez quelques minutes de plus, encore. Lorsque vous arrivez à une pause naturelle, ton compagnon tend doucement la main vers toi.

« Puis-je ? »

Tu comprends qu’il te demande s’il peut te prendre la main. Ton cœur s’affole, tu rougis, et la chaleur dans ta poitrine que tu commences à bien connaître étend son radius. Tu lui tends ta paume. Il rapproche son fauteuil du tien ; face à face, vos jambes se touchent presque. Il entoure ta main des siennes, se plonge dans tes yeux. Tu as du mal à soutenir son regard et alternes plusieurs fois entre le sol et son visage. Il te sourit ; ton agitation reflue. Tu ne sais comment il réussit à t’apaiser ainsi, mais tu te sens toujours bien avec lui, en sécurité. Tu vois dans ses iris céruléens tout l’amour, toute la bienveillance, toute la gentillesse et l’attention qu’il te porte. Tu savoures la sensation de tes doigts contre ses paumes, la chaleur de celles-ci, la pression légère qu’elles exercent. Tu as le sentiment que tu pourrais mourir maintenant, comblé. Lui aussi semble se réjouir de ce contact, l’apprécier, en profiter comme s’il allait disparaître d’un instant à l’autre.

Après quelques instants, dont tu ne saurais évaluer la longueur, trop absorbée par la situation et par sa présence tout près de toi, il reprend la parole.

« Ce samedi, je suis invité à une soirée film avec des amis. Forseti sera là. Je me demandais si cela t’intéresserait de venir avec moi. »

Tu réfléchis quelques secondes. Tu as envie de faire la connaissance de ses proches. Et de parler plus amplement avec son frère. Tu sens cependant ton anxiété grimper rien qu’à cette idée. Et si tu ne les aimes pas ? Et s’iels ne t’aiment pas ? Et si vous ne vous entendez pas du tout, qu’iels ne sont pas comme toi et Máni ? Tu n’as jamais été très douée avec les autres. Tu n’apprécies généralement pas leur humour, et tu les trouves critiques, méchants presque, moqueurs, souvent. Tu peines à excaver des points communs avec eux. C’est pour cela que tu ne possèdes que très peu d’amis et que tu as du mal à te lier de nouveau. Mais tu n’as pas envie de parler de cela à ton compagnon. Il veut t’inclure dans sa vie, partager son univers avec toi, que tu fasses un peu plus partie de son quotidien. Cela te remplit de joie.

Durant tes circonvolutions intérieures, il observe ton visage avec attention. Il s’est intéressé à toi et commence à te connaître mieux, à comprendre comment tu fonctionnes. Avant que tu puisses répondre, il te demande, d’une voix douce :

« Qu’est-ce qu’il y a, amour de ma vie ? Dis-moi. »

Cela te donne l’espace nécessaire pour lui faire partager, partiellement, tes inquiétudes.

« Eh bien… Quel genre de film ? Et quel genre de personnes sont tes amis ? Et si jamais on ne s’apprécie pas ? »

Il se penche vers toi, serre ta main un peu plus fort. Il ne se moque pas de tes angoisses, et les prend au sérieux. Il te regarde à nouveau, intensément, comme pour s’assurer que ses mots pénètrent bien ton âme.

« C’est un marathon Seigneur des anneaux qui est prévu. Je sais que tu les aimes, c’est pour cela que j’ai pensé à toi. J’ai oublié de te le préciser, pardonne-moi », t’énonce-t-il, rassurant. Puis, plus sérieux :

« Mes amis sont très différents les un·e·s des autres, comme Forseti et moi. Il y a des personnes comme nous, des personnes comme lui, des personnes entre les deux. Certaines s’avèrent introverties, certaines extraverties, certaines très bavardes et d’autres pas du tout. C’est un groupe qui a été constitué au fil des années, et, globalement, je les affectionne toustes, même si je me sens plus proche de certains que d’autres. Ce sont toustes de bonnes personnes, et c’est pour cela que je veux qu’iels te rencontrent, parce que je pense qu’iels vont t’adorer, et que tu les aimeras. Mais, dans l’hypothèse où tu ne les apprécierais pas, ou, encore moins probable, qu’iels ne t’apprécient pas, eh bien, tant pis. Ce n’est pas grave. »

Il insiste à nouveau sur cette dernière phrase.

« Ce n’est pas grave, mon amour. Bien sûr, dans un univers parfait, tout le monde s’entendrait et tu deviendrais très proche de mes amis. Mais si tu ne te sens pas bien avec elleux, cela fait simplement partie de la vie. De même dans le cas inverse. Je suis avec toi parce que je t’aime, et rien ne changera cela. Nous ne profiterons pas de sorties toustes ensemble, ce sera dommage, mais pas dramatique. Ce sera juste nous deux, et tout autant merveilleux. Je t’aime. Ne place pas toujours plus de pression sur tes épaules. Je t’aime pour la personne que tu es, quoi qu’il arrive. »

Tu l’écoutes, attentivement. Ses mots te rassurent. Véritablement. Ils ne font pas disparaître complètement ton anxiété, car ils paraissent trop beaux : le genre de choses que l’on dit jusqu’à être confronté à la réalité, mais tu te sens mieux malgré tout. Tu laisses échapper un discret soupir, tes épaules se détendent un peu.

« Okay. Okay. Bon. Très bien. J’adore les films, c’est vrai, et je suis heureuxse que tu aies pensé à moi. Juste une dernière question. À la façon dont tu en parles, ça a l’air d’un groupe plutôt gros. Combien de personnes ? Je ne t’ai jamais perçu comme quelqu’un avec beaucoup d’amis, mais il semble que j’aie fait erreur. »

« Eh bien… Oui et non. J’ai rencontré ces personnes par mon frère. Je ne suis pas très doué pour me lier. J’ai eu un ou deux amis très proches en Angleterre, mais c’était tout. Je connaissais vaguement ceux de Forseti, mais il en avait moins que maintenant, et je n’étais pas vraiment intéressé. L’année suivant mon déménagement ici, il m’a rejoint. Il avait envie de changement, et je lui avais dit que les paysages étaient magnifiques. Au fil du temps, certains de ses amis sont venus dans la région, ou dans le pays. Je les ai parfois rencontré·e·s et j’ai commencé à les apprécier. Ces amis se sont fait d’autres amis, et le groupe s’est agrandi. Tous les deux ou trois mois, iels organisent un rassemblement, pour rester en contact. C’est plutôt agréable. Ce n’est pas toujours dans la région, mais puisque c’est le cas ce mois-ci, j’ai pensé que ce serait plus simple pour toi », t’explique-t-il.

« Et ça l’est. C’est très attentionné de ta part », lui souris-tu.

« Et pour répondre à ta question, reprend-il, je ne sais pas exactement qui sera là, mais il y aura probablement entre sept et huit personnes, en incluant Forseti. La soirée se passe chez Fernando. Je pense que tu t’entendras très bien avec lui : c’est lui qui possède le caractère le plus proche du nôtre. »

« Ça fait beaucoup de monde… » souffles-tu sans pouvoir t’en empêcher.

« J’en ai conscience, et si tu n’as pas envie de venir, tu n’as absolument aucune obligation. Ne choisis pas seulement parce que tu veux me faire plaisir. J’apprécie, mais je ne veux pas que tu te retrouves dans quoi que ce soit que tu n’aimerais pas. Et tu n’as pas à me répondre tout de suite. Si tu as besoin de temps pour réfléchir, il n’y a aucune difficulté. Tout ce que je souhaite, c’est que tu te sentes à l’aise, et libre de me dire ce que tu penses vraiment. D’accord ? »

Il te regarde avec inquiétude. Tu ne veux pas qu’il hésite à te proposer des choses dans le futur. Tu voudrais qu’il ait confiance en ta capacité à prendre des décisions, et à ne pas mettre tes envies en retrait pour laisser uniquement la place aux siennes. Tu expires lentement, et raffermis ta résolution.

« D’accord. Je vais y réfléchir ce soir, et je te donnerai mon avis demain. Est-ce que ça te va ? »

« Bien sûr ! Et si d’autres questions te taraudent, demande-moi tout ce que tu veux. Tu sais que tu ne pourras jamais me déranger. Je te répondrai autant que possible. Est-ce que tu aimerais que je te décrive la maison ? Je pense que tu vas l’adorer. »

Il est rassuré de voir que tu vas prendre le temps et choisir ce qui s’avère le mieux pour toi. Tu sais qu’il a envie que tu viennes, mais il t’a aussi fait comprendre qu’il ferait toujours passer tes besoins en priorité. À nouveau, tu t’engages à considérer tes sentiments et tes désirs à niveau égal avec les siens. Tu tiens à cette relation. Tu tiens à lui. Tu ne peux pas construire quelque chose de stable en essayant en permanence de faire plaisir aux autres au détriment de ton propre bonheur. Et il a promis de faire de même. C’est une promesse qui n’a de valeur que tant que vous la respectez toustes les deux.

« Oui, raconte-moi tout ! »

Maintenant que tu te sens moins pris au piège, tu as conscience que tu as besoin d’autant d’informations que possible pour construire ta décision, et que tu pourras réfléchir à cela tranquillement durant ta soirée. Tu sais aussi que tu pourras expliquer exactement ce qui t’est nécessaire à Máni, et qu’il pourra te dire si cela est faisable ou non. Tu l’écoutes te décrire une grande maison dans les bois un peu plus au nord de la région, moderne, avec de larges fenêtres, des tapis confortables, et un poste d’observation des animaux du coin. Des canapés moelleux, un gigantesque home cinema, une cuisine américaine. Et effectivement, il avait raison, tu as envie de découvrir cette maison. Par ce qu’il t’en dit, tu te sens déjà plus proche de la personne qui l’habite, Fernando. Vous discutez encore de ce lieu quelque temps, et comme il commence à se faire vraiment tard, vous décidez de rentrer chacun·e et de continuer par message au besoin.

Avant que vous vous redressiez, il plonge à nouveau ses yeux dans les tiens, et te serre la main un peu plus fort. Tu te perds quelques secondes dans son regard, et poses ta deuxième sur les siennes. Tu penses à l’embrasser. Tu sens que tu as envie de te rapprocher de lui, comme aimanté. Tu luttes pour reprendre tes esprits et tu te lèves. Tu éteins tout, vous sortez et tu fermes l’entrée. Le vent glacé vous fouette : tu frissonnes. Vous vous souriez, vous souhaitez de bien rentrer, et bifurquez chacun·e. Tu te presses sur le chemin du retour, et, à peine ta porte passée, tu te prépares un thé, l’un de ceux achetés avec lui.

Tu prends le temps de réfléchir aux informations dont tu as besoin pour parvenir à une décision. D’un côté, tu as envie de l’accompagner. Tu veux voir à quoi ressemble son quotidien, tu veux le découvrir au contact de ses proches, de son frère. Tu veux faire un peu plus partie de sa vie. Tu adores les marathons Seigneur des anneaux, et la maison a l’air magnifique. Tu pourras même aller te promener dans les bois si l’intérieur devient trop étouffant. Les inquiétudes qui persistent encore concernent surtout ses amis. Quel est leur caractère ? Y a-t-il des choses auxquelles tu dois faire attention ? Des règles implicites ? Comment dois-tu te comporter ? Et maintenant que vous avez commencé à vous tenir la main, se sent-il pudique en public ? Tu l’es. Et à propos de la nourriture, devrais-tu amener tes propres plats ? A-t-il des ami·e·s véganes ? Les questions tournent et sinuent dans ta tête, se multiplient. Tu décides de les lui poser pour t’en débarrasser ; d’abord la plus importante.

Hey, est-ce que tu pourrais m’en dire plus à propos de tes ami·e·s ? Quels sont leurs noms ? Leur caractère ? Qui sont les plus proches de toi ?

Il t’envoie plusieurs messages en réponse, chacun décrivant de façon résumée l’une des personnes présentes à la soirée.

Alors, je t’ai déjà parlé de lui plus tôt, mais le propriétaire de la maison est Fernando. C’est un scientifique, qui effectue des recherches sur… Je ne suis pas sûr exactement, quelque chose en rapport avec les ondes et les particules. Il enseigne, aussi. Il est l’une des personnes que j’aime le plus. Il est calme, apaisant. Gentil, d’une manière discrète. Il est toujours prompt à aider et ne juge jamais. Il ne parle pas beaucoup. Les banalités de conversation ne sont pas sa tasse de thé et il préfère les sujets plus… profonds. Il lit, beaucoup, même si la plupart de ses ouvrages concernent la science. Nous possédons comme intérêt commun la psychologie, la philosophie, un peu d’astronomie. C’est quelqu’un avec lequel il est vraiment facile de discuter, et je pense que tu te sentiras bien avec lui. Je l’espère, en tout cas.

Il y aura aussi Lisbeth, qui est féroce, rebelle, et qui ne fait que ce dont elle a envie. Elle est définitivement du côté extraverti, mais tu pourrais l’apprécier pour son esprit et sa bienveillance. Elle sait comment s’adapter aux autres… lorsqu’elle le souhaite. Elle est en couple avec Fernando, plus ou moins, mais cela a toujours été compliqué. Elle est le genre de personne qui voyage beaucoup, et ne peut rester au même endroit très longtemps. Elle a beaucoup d’énergie et un millier d’activités dans lesquelles la dépenser. On ne s’appréciait pas au début, mais maintenant nous sommes un peu comme des frères et sœurs. Nous nous disputons souvent, mais nous nous protégeons aussi. On ne peut pas dire que nous soyons proches, dans le sens où l’on parle peu, nous ne faisons pas dans les confidences, mais il y a définitivement de l’affection entre nous.

Tu as rencontré Forseti, bien sûr. Comme tu as pu le deviner, il est du côté extraverti également. Il est un peu… agaçant, son humour est effroyable, il n’est pas raffiné pour un sou, mais son cœur est pur. Il est attentionné, prévenant, et doué pour écouter. Il essaiera toujours de faire sourire les autres. Il a l’air de bonne humeur en permanence, et de ne jamais rien prendre au sérieux, ce qui a ses avantages et ses désavantages. Quand il était plus jeune, il était impulsif, mais il a appris à se contrôler depuis, et même très bien. Il n’est pas fiable à proprement dit dans la vie quotidienne, mais si quelque chose est important, il sera présent, toujours. Il est très loyal. Je sais qu’il t’apprécie déjà, et j’espère qu’un jour tu te sentiras à l’aise avec lui.

La Valkyrie sera probablement là. On l’appelle comme ça, Forseti et moi, à cause d’une vieille blague. C’est une amie d’enfance, et elle a une forte personnalité. Elle est particulière. Elle est aussi aventureuse, déterminée, franche. Nous l’aimons beaucoup. Elle est drôle, et peut être attentionnée, à sa manière. Elle a eu tendance à boire un peu trop, parce que sa vie a pu s’avérer… complexe, mais elle est arrivée à s’arrêter. Liz’ (Lisbeth) et elle sont de très bonnes amies. Étrangement, elle s’entend bien avec Vlad, que je vais te présenter dans une minute. Ils se disputent beaucoup, mais ont un sens de l’humour similaire, et je pense qu’ils se comprennent.

Andrea sera un autre invité. Nous ne sommes pas vraiment proches, nous n’avons pas d’intérêt commun, mais je l’apprécie et j’ai du respect pour lui. Il est très droit et a le courage de se battre pour ses convictions. Il sait aussi quand se taire, quand écouter, apprendre, changer d’avis, s’excuser lorsque c’est nécessaire. Il n’a pas peur d’être qui il est, et il est très sincère. Il ne mentira jamais, même lorsque cela aurait pu être mieux. Comme les autres, il est gentil, mais d’une manière plus subtile. Il te soutiendra toujours, et surveillera que tout va bien pour toi, que tu te sens bien. Il ne parle pas beaucoup. Il est plutôt du genre à observer, mais plus le temps passe, plus il participe, dans tous les sens du terme. Je pense que tu pourrais l’aimer. Notamment sa façon non verbale d’être présent, sa sincérité, et la force de ses idées.

Lorsqu’Andrea est là, il y a toujours Vlad. Ils sont meilleurs amis depuis l’enfance, et probablement plus que cela. C’est une histoire complexe, nous essayons de les laisser tranquilles et aller à leur propre rythme. Ils ne sont pas officiellement ensemble, mais ils ont l’air plus proches chaque fois qu’on les retrouve. L’avenir nous dira ce qu’il en est. Vlad reste un peu… en retrait. Défensif. Pas toujours, et de moins en moins, mais quand même. Il n’est pas le plus accessible. Il discute avec tout le monde, mais d’une façon superficielle. Il n’aime pas parler de sentiments. Il est loin d’être méchant ou désagréable, il a juste probablement besoin de temps, et d’une bonne thérapie. Mais il a de l’humour, et blague beaucoup. Il a tendance à boire trop, mais on le surveille, maintenant. Je pense, personnellement, qu’il est extrêmement sensible, à l’intérieur du moins, et attentionné, ouvert, et insécure, mais on ne rencontrera pas cette partie de lui avant qu’il ne soit mieux dans sa peau. Si tu es mal à l’aise à son contact, c’est normal. Ne te sens pas obligé de rester avec lui.

Flynn viendra sûrement aussi, c’est un ami de Vlad et Andrea. Il est vraiment adorable, et tout le monde l’a accepté quasi immédiatement. Il est joyeux, sérieux lorsqu’il le faut, hilarant lorsqu’il le veut, et comme Andrea, il est fort et possède beaucoup de principes. Il aime débattre de politique et de philosophie avec Fernando. Nous ne sommes pas proches, mais je l’apprécie. Je trouve sa présence apaisante. Plus qu’Andrea, qui peut être parfois intense. Il illumine toutes les soirées, même si je ne lui parle pas beaucoup.

Je pense qu’Axel sera là. Un ami de Lisbeth. Il vient depuis le début, ou presque. Il est probablement le plus… neutre et normal d’entre nous. Il a une famille, une maison, une vie traditionnelles. Rien de particulier, pas de problème majeur. Je le connais depuis ces soirées, mais je ne peux pas dire que je le comprends vraiment. Nous n’avons pas d’affinités. Ce n’est pas que je ne l’aime pas, mais je ne l’apprécie pas non plus, si tu vois ce que je veux dire. Il n’est pas méchant, mais je ne pense pas que tu te sentiras très à l’aise en sa présence. Peut-être que je me trompe, et que tu découvriras des choses intéressantes à son propos qui t’amèneront à bien t’entendre avec lui. Il est plus proche d’Andrea, Fernando et Forseti. Comme Liz’, ils se connaissent depuis longtemps.

D’habitude, un autre ami venait aussi, mais… pour résumer, il avait des démons à combattre, était insupportable et agissait comme un abruti. Il a finalement accepté qu’il avait des problèmes, il est en thérapie, travaille sur lui-même, va à son rythme, et nous verrons après tout cela si on le réintègre. Il est, était, le genre de personne qui se révèle très prétentieuse, ne s’excuse jamais et croit que tout le monde en sait moins que lui. Il était odieux et c’est pour cela qu’on lui a demandé de partir. Nous n’en avions pas envie, parce qu’il a aussi des qualités et peut être très agréable, nous l’appréciions, et comprenions ses difficultés, mais il fallait qu’il s’améliore. Peut-être que tu entendras parler de lui dans le groupe, c’est pour cela que je préfère te dire tout ça.

Je pense que j’ai fait le tour. Nos soirées ensemble restent très calmes la plupart du temps, je n’ai pas souvenir d’avoir jamais assisté à de grosses fêtes. Personne ne boit beaucoup (sauf Vlad) et il n’y a aucune situation anxiogène. Tout le monde est accueillant. Dis-moi si tu as plus de questions.

Tu finis de lire tout cela, tente de visualiser chacun·e, et l’ambiance globale. Cela t’aide beaucoup qu’il ait décrit longuement chaque membre avec les informations les plus utiles. Tu essaies d’imaginer les dynamiques entre chaque personne, leurs relations, leurs liens avec ton compagnon. Tu laisses passer une demi-heure, puis tu lui réponds.

Merci. Pour toutes ces informations, et pour avoir pris le temps de les écrire et de les résumer. Je vais réfléchir encore un peu. Sache juste que je suis heureuxse que tu aies demandé, et que j’ai vraiment envie de te connaître mieux, ainsi que tes ami·e·s. C’est simplement que… Ce n’est pas toujours facile de rester avec des gens. Et je ne veux pas finir par passer une terrible soirée, en me sentant mal, parce que je n’arrive pas à m’intégrer. Je ne veux pas ruiner ces soirées pour toi. Donc je prends le temps de réfléchir, pour pouvoir te dire exactement ce dont j’ai besoin, pour te faire comprendre ma perception et t’aider à m’aider à savoir si ce genre de choses peut devenir mon genre de choses aussi. C’est pas très clair, désolée.

Son message ne tarde pas.

Ne t’inquiète pas, je comprends. Je n’aime pas être avec des gens non plus et je visualise très bien comment tu te sens. C’est pour cela que je ne veux pas que tu te forces. Si tu n’as pas envie demain, aucun problème. Je ferai tout ce que je peux pour que tu sois suffisamment à l’aise pour venir, mais s’il y a trop de monde, je comprendrais parfaitement. Prends tout ton temps pour réfléchir. Mais ne laisse pas cela raccourcir ta nuit. Tant que tu me fais part de ton choix avant samedi soir, ça ira. Cela ne dérangera pas Fernando et les autres.

Tu lui réponds immédiatement aussi. Tu n’aimes pas faire attendre qui que ce soit, et encore moins arriver à la dernière minute chez quelqu’un.

Bien sûr ! Évidemment que je te le dirai avant. Je ne veux pas te laisser dans l’expectative.

Tu reçois son message quelques secondes après.

Je sais, mais prends ton temps tout de même. Je vais aller me coucher, maintenant. Bonne nuit, fais de beaux-rêves, mon amour. Ne te tourmente pas à propos de cette soirée, ça n’en vaut pas la peine. Il y aura bien d’autres occasions comme celle-là dans le futur. J’espère que ta journée sera plus calme demain.

Je t’aime.

Tu lui promets de ne pas y réfléchir toute la nuit, termines ton infusion, et lis quelques pages de ton livre en cours. Tu vas ensuite te coucher et penses à la soirée qui se profile. Tu essaies de ne pas t’endormir trop tard, et si tu dépasses légèrement ton heure, tu ne t’en tires pas trop mal.

Le lendemain matin, puis dans ton salon, tu peaufines les derniers éléments de ta réponse. Tu sais que tu as envie d’y aller. Tu sais aussi que le monde t’intimide et qu’un certain nombre de garanties t’apparaissent nécessaires. Tu les énumères donc dans ta tête, pour pouvoir les énoncer clairement. En début d’après-midi, tu envoies un message à l’élu de ton cœur.

Bonjour, mon amour.

Voilà ma réponse. J’aimerais beaucoup t’accompagner, si tu es toujours d’accord. Cependant, il y a des choses dont j’ai besoin pour me sentir à l’aise, et je veux que tu puisses me dire honnêtement si c’est possible ou si cela risque de te mettre, toi ou quelqu’un d’autre, mal à l’aise ou en colère. Si c’est le cas, je préfère ne pas venir. D’abord, je souhaite m’y rendre avec ma voiture. Comme ça, je peux rentrer quand je veux, et je ne te forcerai pas à partir plus tôt que ce que tu aurais aimé juste parce que je suis fatiguée. Ensuite, tu m’as dit que cette maison était localisée au milieu des bois. Est-ce que tu penses que je peux aller à l’extérieur autant que je veux et marcher un peu, si je me sens mal à l’intérieur ? Est-ce que cela va déranger Fernando ? Ou les autres ? Est-ce que ce sera vu comme bizarre ? Troisièmement, est-ce que tu crois que tu pourrais… rester avec moi toute la soirée ? Pas tout le temps, bien sûr, mais… la plupart ? Je suis terrifiée à l’idée d’être seule avec un groupe d’inconnu·e·s. Je ne saurai pas quoi dire, je vais me ridiculiser et immédiatement regretter d’être venu. Mais je ne veux pas t’empêcher de t’amuser, et de parler avec tes ami·e·s. et tout ça, alors si c’est trop, dis-le-moi. Je ne me vexerai pas, et le plus important pour moi c’est que tu puisses passer une soirée agréable comme d’habitude. Voilà. Qu’est-ce que tu en penses ?

Il ne répond pas tout de suite. Ton angoisse grimpe progressivement, et tu te demandes s’il te trouve trop exigeant, si tu es bizarre, s’il s’est enfin rendu compte d’à quel point tu étais compliqué et encombrant. Tu as du mal à te concentrer sur les commandes qui arrivent, et il s’en faut de peu pour que tu n’inverses deux boissons. Heureusement, tu aimes trop ton métier pour l’exécuter en le saccageant, et tu réussis à sauver les meubles. Lorsqu’une heure plus tard Máni te répond, et que tu sens ton téléphone vibrer, tu profites d’un court instant de calme pour parcourir son message dans les grandes lignes.

Bonjour,darling .

Bien sûr que je veux toujours que tu m’accompagnes. L’idée de passer une soirée avec toi et mes plus proches ami·e·s me remplit de joie. Je peux venir te chercher à 20h, et tu peux me suivre avec ta voiture pour ne pas te perdre sur le chemin. La route peut être assez compliquée. Est-ce que cela te conviendrait ? Il n’y a absolument aucun problème à ce que tu te promènes dans les bois, tant que tu fais attention à toi, sinon je m’inquiéterai. Cela ne dérangera ni Fernando ni les autres. Tu ne seras pas la première personne, crois-moi. Je le fais souvent, Fernando parfois, et même Liz et Andrea. Donc personne ne trouvera cela bizarre, je peux te l’assurer. Et ensuite, évidemment que je vais rester avec toi. Je détesterais être laissé seul dans une pièce pleine de gens que je ne connais pas. J’ai toujours prévu de rester avec toi. D’abord, car j’adore ta compagnie plus que tout, et parce que je ne veux pas que tu te sentes mis de côté. Je m’excuse par avance si parfois tu ne comprends pas toutes les discussions, mais n’hésite jamais à me demander et je t’expliquerai tout avec plaisir. Il est possible qu’on parle de gens que tu ne connais pas ou d’évènements du passé, mais je ferai de mon mieux pour t’inclure, et si jamais tu es mal à l’aise, je t’en supplie, dis-le-moi pour que je puisse modifier la situation et t’aider. Est-ce que tu pourrais me promettre ça ? De toujours me dire si tu ne te sens pas bien ?

Tu réfléchis quelques minutes. Ce n’est pas une promesse qu’il te sera facile de tenir. Tu n’arrives jamais à verbaliser quand quelque chose ne va pas ou que tu ne te trouves pas à l’aise, encore moins en public. Au point que tu te demandes depuis longtemps si tu n’as pas un problème quelque part. Cependant, parce que c’est lui qui insiste, et que tu veux donner une chance à cette soirée, tu penses pouvoir. Ce sera difficile, mais tu perçois son inquiétude et son affection à travers ses mots. Tu peux presque te convaincre que si tu lui dis que tu es mal à l’aise, il ne le prendra pas mal, et ne s’en agacera pas. Après tout, tu t’es toujours senti si bien avec lui. S’il reste avec toi toute la soirée, tu pourrais même passer un moment agréable, et avoir plaisir à rencontrer ses ami·e·s. Dans un monde idéal, c’est comme cela que cela se déroulerait. Alors tu lui promets, et indiques que tu valides ses propositions. Il peut compter sur toi pour te tenir prêt à 20h samedi.

Comment je devrais m’habiller ? Et est-ce que je devrais amener quelque chose à manger ? sont les deux dernières questions que tu lui poses. Il souligne que tu peux faire comme tu en as envie, car il n’y a rien de déterminé.

Si tu veux te vêtir de manière élaborée parce que ça te fait plaisir, fais-le. Si tu préfères quelque chose de plus confortable, il n’y a aucun problème aussi. Tu as des goûts merveilleux dans tous les cas.

Il ajoute que tu peux amener quelque chose à manger si tu le souhaites, certains le décident parfois, mais la personne chargée de l’accueil, Fernando en l’occurrence, est responsable de subvenir aux besoins de toustes et il y aura des options véganes. Tu décides tout de même de préparer des sablés à la cannelle demain dans l’après-midi : cela ira parfaitement avec le temps.

Tu termines ta journée et rentres chez toi. Vous parlez un peu, mais tu passes surtout ta soirée devant une série avec un bon chocolat chaud. Tu te surprends à avoir envie de partager ce moment avec lui. Ton niveau d’angoisse reste raisonnable, tu as obtenu les réponses à tes questions, et tout semble sous contrôle. Autant que possible, du moins. Tu te répètes encore une fois que même si tu ne t’entends pas spécialement avec eux, cela ne changera rien à ta relation avec Máni. Et puis, si ce sont ses ami·e·s, si certains lui ressemblent, tu vas forcément apprécier au moins une personne. Tu n’auras qu’à parler du Seigneur des anneaux, ou de livres, ou tu pourras toujours poser des questions sur ton compagnon. Voilà un sujet de conversation sur lequel tu serais aussi intarissable que sur les deux précédents. Tu essaies de te persuader que tous les individus présents demain s’avèreront gentils, aimables, bienveillants, chaleureux. Tu réussis, un peu. Tu lis quelques pages avant d’aller te coucher, et t’endors finalement assez vite, après avoir longuement pensé à lui, et t’être imaginée tout un tas de scénarios futurs.

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