J'irai boire du thé sur ta tombe
Chapitre 12
Le lendemain, tu te sens déjà un peu moins épuisé à ton réveil. La perspective d’avoir tout ton dimanche puis ton lundi pour te reposer, peut-être même pour profiter, t’apporte une énergie bienvenue. Tu sais que de temps à autre tes pensées te ramèneront vers des réflexions que tu dois examiner avec moult précautions, ainsi que vers le fameux choix à venir, mais tu essaies de ne pas y prêter trop d’attention. Tu espères que cela se fasse progressivement, en tâche de fond. De toute manière, ce n’est pas comme si tu pouvais empêcher ton esprit de revenir sans cesse à Máni.
La matinée est déjà bien avancée ; tu décides d’aller manger dans ton restaurant de ramens préférés qui a le bon goût d’être ouvert le dimanche midi. Maintenant que tes souvenirs avec ton… avec Máni sont un peu moins douloureux, tu te sens capable d’y retourner. Tu prévois d’aller ensuite au parc pour une brève promenade afin de t’aérer. Après tout, tu n’es pas réellement sorti de chez toi depuis des semaines. Tu te prépares, emportes un thermos de thé chaud. Une fois dans l’échoppe, les odeurs d’umami te donnent l’eau à la bouche. Tu t’installes sur une petite table avec ton téléphone pour lire et commandes la version saisonnière du bol que tu préfères habituellement : il intègre cette fois des lamelles de courge marinées, du chou frais enduit d’une sauce aigre-douce, et un bouillon légèrement plus épicé, qui te réchauffera par ce froid qui augmente graduellement. Tu souffles, savoures tes nouilles, prends ton temps pour déguster. Il n’y a pas tant de monde que cela ; les gens sortent moins à l’approche de l’hiver. Tant mieux. Le calme des lieux te permet de te concentrer sur ton roman.
Tu termines comme toujours par un dessert, un taiyaki à l’ anko qui t’est servi encore fumant et que tu grignotes sur le chemin du parc. Soudain, tu marques un arrêt brutal alors que tu arrives près de l’entrée. Il t’a semblé apercevoir un homme aux longs cheveux noirs quitter l’endroit à pas rapides. Tu as beau le chercher du regard cependant, tu ne le trouves plus. Tu ne vois pas pourquoi Máni viendrait ici alors qu’il habite plus loin. Tu mets cela sur le compte de son omniprésence dans ton cœur.
Tu commences à suivre les sentiers, sillonnes entre les arbres. Tu marches lentement, savourant ce moment d’air pur et le fait d’être au contact de la verdure. Durant tes pérégrinations, tu retombes sur le lieu où vous aviez admiré les feux follets. L’endroit est toujours joli avec ses écorces majestueuses, mais beaucoup moins charmant et mystique que le soir d’Halloween. Tu y passes rapidement pour éviter de te perdre dans des souvenirs et circonvolutions où tu préférerais ne pas plonger maintenant. Tu sirotes ton thé petit à petit : finalement c’est une promenade d’une heure que tu effectues à pas mesurés. Les yeux tantôt levés vers le ciel, tantôt vers les branches des arbres, tu admires ce qui t’entoure. Le soleil te réchauffe entre les omoplates et tu apprécies son étreinte. Tu décides de rentrer lorsque tes doigts gelés commencent à brûler.
Ton après-midi s’écoule tranquillement, entrecoupée de tes diverses activités d’intérieur habituelles. Tu lis beaucoup, visionnes quelques épisodes de séries, et les premières idées pour tes pâtisseries d’hiver émergent peu à peu dans leur première version ; tu les notes avec empressement. Tu échanges aussi quelques messages avec Elizabeth, sur tout et rien. Tu te réserves parfois du temps à ne rien faire qui requière de la concentration, simplement pour penser, en prenant soin de tes plantes, en faisant le ménage, la vaisselle, le repas, ou en fixant le vide, les mains autour d’une tasse bien chaude. Progressivement, tu commences à former un début de réponse pour toi-même. Ce qui t’inquiète, ce qui ne te dérange pas. Ce dont tu as besoin, ce qui n’a pas d’importance. Ce qu’il te faut savoir et ce qui peut rester flou. Tu ne te presses pas, tu laisses ton esprit déambuler. C’est une décision à laquelle tu dois parvenir après avoir épuisé tous les arguments, tous les nœuds, toutes les fantaisies.
Mardi se profile et tu projettes de te pencher sur quelques essais pour tes prochaines pâtisseries lors des périodes de calme du salon de thé. Máni ne t’a pas recontactée ; il respecte ta temporalité même s’il attend probablement avec angoisse. Tu tentes de lui faire confiance pour savoir se gérer et prendre soin de lui. Tu sers quelques clients avant et après midi, puis tu retournes dans l’arrière-boutique pour travailler les produits que tu voudrais utiliser. Tu estimes avoir une heure et demie devant toi, peut-être avec une interruption ou deux. L’affluence ne raugmentera que vers seize heures, lorsque le goûter approchera. Tu prépares plusieurs mousses en petites quantités, l’une à la clémentine, les autres au pamplemousse, au citron vert, au yuzu et à la poire. Tu mets également des gelées à figer, à la grenade, au kiwi et à la pomme. Tu places tout cela dans tes réfrigérateurs : tu testeras demain. Tu te demandes si tu ne pourrais pas essayer d’ajouter du kaki quelque part, peut-être une nouvelle mousse, ou une génoise, ou une confiture. Tu aimerais élaborer une crème glacée à la betterave pour voir ce que cela donnerait, mais tu ne te lances pas dedans aujourd’hui, cela nécessitera de nombreux ajustements qui te prendront trop de temps. Tu pourras entreprendre les premières tentatives chez toi. Le goût sucré de ce légume t’intrigue depuis un moment, et tu as le vague souvenir de morceaux assortis d’un sirop de pêche et d’une chantilly dans un restaurant il y a des années. Cela pourrait apporter plus d’originalité à tes créations.
Ton travail n’est interrompu qu’une fois, puis tu termines juste à temps pour l’affluence de fin d’après-midi. Aujourd’hui, le ballet des nombreuses personnes qui se sont déplacées seulement pour déguster tes pâtisseries te met du baume à l’âme. Cela t’aurait probablement agacé durant la période difficile dont tu émerges tout juste, mais tu contemples en ce début de semaine avec nostalgie le chemin parcouru. S’il n’y avait pas grand monde à la création de ton salon, ton sens esthétique et tes associations de saveurs ont progressivement conquis le cœur des amateurices de goûter, tout comme tes boissons, et tu n’as plus connu un seul jour sans clients depuis bien longtemps. Tes habitué·e·s vont et viennent, en amènent d’autres avec eux, le bouche-à-oreille fonctionne et les jolies photos de tes merveilles circulent sur Internet. Tu as toujours voulu apporter de la joie au plus de personnes possible, à ta manière, et aujourd’hui le sentiment du devoir accompli, d’avoir trouvé ta place, fait émerger une douce chaleur en toi. Tu n’avais pas ressenti cela depuis de nombreux mois. Peut-être est-ce le repos que tu te forces à prendre, ou le choc de la rupture qui t’ont permis de faire preuve de plus de recul et d’apprécier à nouveau tes réussites. Même si cela ne durera probablement pas, tu essaies de t’accrocher à cette sensation, de la graver en toi pour pouvoir la convoquer lorsque tu perds espoir.
Tu rentres chez toi et constates que la fatigue n’a pas encore envahi ton corps. Le relâchement acquis durant ton week-end te préserve pour l’instant, la journée n’a pas été dure au point de t’épuiser. Ton cerveau fonctionne sans patiner. Tu décides que ce soir, tu établis ton premier jet, et demain, après une dernière relecture, un dernier état des lieux de ton esprit, tu enverras ta réponse à Máni. Tu te prépares d’abord à manger, une soupe de butternut avec des croutons pour te réchauffer, puis tu écris un message à Elizabeth durant ton dîner. Dedans, tu lui détailles ce que tu penses dire, tes questionnements, ce qui t’angoisse encore. Ce dont tu es sûr. Elle te répond rapidement.
Ça m’a l’air bien, rien ne m’a attiré l’œil.
Puis, en français :
Je vois que tu as bien réfléchi. Si tu le sens, c’est que c’est la bonne décision et le bon moment pour l’envoyer. Ça va aller ! Tiens-moi au courant !
Tu expires lentement. Bien, c’est une première validation. Tu te sens toujours vaguement mal à l’aise à l’idée d’essayer de retourner vers quelqu’un qui t’a blessé, mais ce n’est pas comme s’il risquait de recommencer. Il a pris conscience de ses erreurs, a repris sa thérapie, s’est excusé. Et tu sais qu’il travaille dur pour s’améliorer. Réellement. Au pire, c’est toi qui partiras, si la situation l’exige. Toi non plus, tu ne veux pas abandonner sans lutter, ni traîner des regrets jusqu’à ton vieil âge. Lorsque tu repenses à tous les moments passés avec lui, l’intégralité de ce que tu ressens se concentre dans ton cœur, qui s’accélère, et dans la chaleur heureuse qui se répand dans ta poitrine à l’idée d’avoir à nouveau Máni à tes côtés. En dehors de ses inquiétudes concernant le futur, il n’a à aucun moment agi d’une façon qui t’a déplu, ni prononcé quoi que ce soit de blessant, ou eu un comportement qui aurait pu t’alerter. Il ne semble y avoir que des personnes bien qui gravitent autour de lui ; tu aimes déjà beaucoup Forseti et Elizabeth. Tous ces éléments te poussent à suivre tes sentiments, à donner une seconde chance à cette relation qui a empli ton âme de bonheur tout le temps qu’elle a duré. Tu sais que les jours qui s’annoncent ne seront pas toujours faciles, mais cela fait des années que tu n’as plus peur ni de la souffrance ni des obstacles sur ta route. Vous allez créer ensemble la plus belle histoire d’amour jamais vécue, quelque chose qui vous convienne à toustes les deux et qui vous remplisse de joie même aux moments les plus douloureux. Tu te sens prêt.
L’appréhension, l’excitation, l’affection se mêlent en toi pour former un mélange à la fois grisant et désagréable, un vertige, comme si tu marchais au bord d’une falaise. Tu écris une première fois, puis corriges quelques détails.
Mercredi soir, après ta quatrième relecture, tu te forces à appuyer sur le bouton d’envoi, car tu risques sinon de passer ta nuit à fignoler encore et encore.
Bonjour Máni,
Je pense que j’ai pris ma décision, voilà ma réponse.
J’accepte tes excuses. Cela ne veut pas dire que je te pardonne, car je suis toujours blessé par ton comportement, mais je comprends tes raisons, et je te crois lorsque tu dis que tu es désolé.
Cela a été difficile de faire un choix. D’un côté, je sais que c’est une terrible idée de retourner vers quelqu’un qui nous a fait du mal. On ne peut jamais vraiment être sûr que cela ne se reproduira pas. Et j’aurais toujours peur que tu ne me fasses pas confiance quand tu auras besoin de soutien, quand tu te trouveras en difficulté, quand tu souffriras. J’aurais probablement peur encore longtemps que tu me laisses comme tu l’as déjà fait. D’un autre côté, je t’aime. Je t’aime, et j’ai adoré chaque minute passée avec toi. Comme toi, si je n’essaie pas une dernière fois, je le regretterai toujours, et je me demanderai sans fin ce qui aurait pu arriver si j’avais agi autrement. Sache cependant que je n’hésiterai pas à partir, car si je peux donner une seconde chance, je n’en accorde jamais une troisième. Jamais. J’ai travaillé sur moi-même pour ça.
Ma réponse est donc oui, je suis d’accord pour essayer à nouveau avec toi. Tu me manques. Je veux avoir confiance en toi, en ton cheminement, dans les efforts que tu fournis pour t’améliorer et pour te sentir mieux. Je veux croire en la personne merveilleuse que j’ai toujours vue en toi. Je veux te soutenir dans tous les moments difficiles, t’épauler lorsque tu en auras besoin. Être là quand tu te sens triste, quand tu es anxieux, et endurer cela avec toi. Je veux pouvoir contempler ton sourire à nouveau, immortaliser ton rire, et tes yeux sont la seule chose à laquelle j’arrive à penser la nuit. Tu me manques.
Mais pour l’instant, je ne veux pas te revoir directement. Je préfère parler avec toi, comme maintenant, pour que nous puissions prendre le temps de discuter tout ce qui a besoin de l’être. Tu sais qu’il est plus facile pour moi de m’exprimer à l’écrit, et nous avons beaucoup de détails à évoquer.
D’abord, je ne suis pas novice concernant le sujet de l’anxiété et de la dépression. Tu as vu que je pouvais être angoissée, mais ce n’est rien comparé à la façon dont j’étais il y a quelques années. J’avais des difficultés similaires aux tiennes, et c’est pourquoi je comprends, au moins en partie, ce que tu traverses. Peut-être que tu as pensé que je te trouverai fou, ou que certaines choses qui serpentent dans ton esprit me paraîtraient délirantes, mais il est hautement probable que les mêmes aient circulé dans le mien. Je veux que tu saches que je ne te jugerai jamais. Je t’écouterai toujours, et j’espère que dans le futur, tu seras en mesure de partager ton fardeau avec moi. Je peux le supporter, et je suis volontaire pour le faire. Je sais que dans ces moments, on ne réfléchit plus clairement, qu’on prend de mauvaises décisions, mais c’est justement pour ça que je crois que nous devons apprendre à nous arrêter, à rester statique tant que l’on ne se sent pas bien, et à laisser les choix importants aux personnes en qui l’on a vraiment confiance. Ou à les laisser temporiser, en tout cas.
J’ai conscience qu’il y aura de terribles jours, et peut-être que je me sentirais inutile, et triste, et énervée, mais je sais que je ne regretterai jamais d’être avec toi à cause de cela. Parce que je n’oublierai pas que tu trouves au centre de la douleur, que tu souffres plus que quiconque, et que si je me sens dépassée, cela te fera te sentir encore pire. Je suis capable de gérer ma propre souffrance, et l’épuisement qui peut venir avec les mauvais jours. Je te soutiendrai du mieux que je le peux. Et je te promets formellement que si je ne peux plus, si je risque de te faire du mal, de devenir toxique, abusif, je partirai. S’il te plaît, n’ai pas peur d’être un poids, ou de m’agacer, parce que je sais ce dans quoi je m’engage : je le veux. Je veux être avec toi, Máni. Ne me cache jamais comment tu te sens vraiment. Si tu es en mesure de me dire ce dont tu as besoin, ce qui te fait du bien, j’écouterai. Je comprends la peur, toutes les peurs. C’est pour cela que j’insiste, je veux savoir ce qui sinue dans les recoins de ton esprit, je le voudrais toujours.
Quant à ton anxiété à propos du futur, eh bien à nouveau, je ressens la même chose et je ne peux qu’abonder. Il est dommage que nous n’en ayons pas discuté plus tôt, mais j’étais et je suis toujours très effrayée concernant ce que peuvent être tes objectifs de vie, et ta vision d’une relation amoureuse. Parce que je sais que comme toi, je pourrais me sentir prise au piège très facilement. Je ne connais pas de remède, mais je suppose que nous avons seulement à en parler, et à aviser en fonction. Si nos besoins et nos envies ne s’alignent pas, ce sera douloureux, mais moins que si nous nous remettons ensemble et que nous abordons la question trop tard.
Voici la liste de ce dont moi j’ai besoin pour revenir dans cette relation avec l’esprit plus apaisé. Si tu ne peux pas me les fournir, alors ce n’est pas la peine.
— Il faut qu’on communique correctement, ou a minima qu’on essaie. Je suis la première personne à trouver ça difficile, mais si on ne peut pas discuter de tout, même lorsque c’est dur, on n’arrivera jamais à avancer ensemble. J’ai besoin que tu verbalises tes besoins, et je suppose qu’il faudra bien que j’apprenne aussi. Parce que s’il y a bien une chose que j’ai retenue, c’est que tu ne peux pas blâmer quelqu’un de ne pas savoir ce qu’il te faut si tu ne le lui as jamais dit. Évidemment, il faut avoir confiance en cette personne, mais je ne pense pas qu’il soit possible d’être heureux dans une relation où on ne croit pas en l’autre.
— Ne prend plus jamais une décision à ma place. Jamais. À moins que je te le demande. Je suis parfaitement capable de faire mes propres choix. Tu ne me protèges pas en faisant cela, tu es faussement bienveillant, condescendant, et c’est toi-même que tu protèges.
— J’ai besoin que tu parles de tes sentiments pour pouvoir t’aider. Il faut que je sache quand tu te sens mal, triste, anxieux, quand tu as besoin d’être seul, quand tu as besoin de soutien. Si tu caches en permanence ce que tu penses et ton état d’esprit, c’est comme si je n’allais jamais pouvoir te connaître vraiment. Comme si je ne pouvais jamais faire véritablement partie de ta vie, de ton monde. Et je ne dis pas que c’est quelque chose de facile à faire, ce serait l’hôpital qui se moque de la charité, mais j’aimerais tellement te comprendre. Je ne veux pas que tu aies l’impression que tu dois dépasser tes limites, masquer que tu veux rentrer chez toi, ou que tu te sens mal, seulement parce que tu ne veux pas m’inquiéter, ou interrompre un bon moment entre nous deux. Ce n’est pas un bon moment si tu ne peux pas l’apprécier aussi, et cela n’a aucun intérêt pour moi dans ce cas. Je veux que tu sois heureux ; c’est tout ce qui compte pour moi. Nous pourrons toujours créer d’autres bons souvenirs plus tard. Ta santé mentale reste la priorité. En plus de cela, souvent, une vraie bonne nuit de sommeil, un peu de temps seul ou au calme, aide déjà à se sentir mieux. Si tu forces, au contraire, tu empires généralement ton état. J’ai bien conscience que tu sais probablement tout cela, mais je veux juste que tu saches que moi aussi, que je ne te jugerai pas parce que tu fais quelque chose qui est bon pour toi. Tu pourras toujours me dire quand tu as besoin de quoi que ce soit, me parler de tes peurs, aussi. Elles ne sont pas stupides si elles ont de l’importance pour toi. Je ne serai pas toujours en mesure de les apaiser, mais je ferai mon possible. Tu l’as déjà fait pour moi, tant de fois en si peu de temps. Je me suis sentie compris, entendu. Je veux te faire ressentir cela aussi.
Si je résume, la seule chose que je demande vraiment, honnêtement, c’est que tu fasses de ton mieux. Jamais je n’attendrai de toi que tu sois parfait. Fais ce que tu peux, ce qui t’aidera à te sentir épanoui, à prendre soin de toi. Fais ce que tu as à faire. Si cela ne fonctionne pas toujours, ce n’est pas grave. Le plus important à mes yeux c’est que tu aies essayé de ne pas te laisser sombrer. C’est la seule chose qui m’importe. Je suis heureuxse que tu aies envie que je fasse partie de ta vie, que tu sois prêt à me laisser entrer dans ton monde, et j’ai conscience que c’est un pas conséquent pour toi. Merci de l’avoir fait, du fond du cœur.
Je t’aime. Merci d’avoir été honnête avec moi, et d’avoir essayé à nouveau. Tu as dit que l’intensité de tes sentiments t’effrayait, et, d’une manière différente, je comprends ce que tu veux dire. Les miens se révèlent souvent difficiles à gérer aussi, et moi aussi, j’ai peur d’eux, et qu’ils soient malsains, ou en tout cas, pas vraiment sains.
Tu peux me demander n’importe quoi aussi, bien sûr. J’ai énoncé clairement ce qui me tenait à cœur, mais tu as probablement des inquiétudes aussi. Tu as dit que tu avais beaucoup réfléchi ces dernières semaines, mais si tu as besoin de plus de temps pour les déterminer, prends-le. J’attendrai. Toujours.
Une fois l’icône d’envoi apparue, tu lances un film pour te concentrer sur autre chose. Tes yeux ne peuvent s’empêcher de revenir à ton téléphone toutes les dix secondes ; tu sursautes régulièrement car tu as l’impression qu’il vibre ou que la petite loupiote s’est allumée, mais ça n’est jamais le cas. Ton cœur bat la chamade : tu aimerais que Máni réponde vite, puis qu’il ne réponde pas tout de suite, et tu oscilles entre la hâte et la terreur durant une bonne partie de ta soirée. Finalement, tu décides d’aller te coucher. Tu éprouves à la fois du soulagement et de la déception à ne pas encore avoir obtenu de retour. Tu te dis cependant que ton message était dense, et qu’il a probablement besoin de réfléchir aussi. Après tout, tu n’as pas mâché tes mots, tu as été transparent, et tu n’apprécierais pas qu’il réponde sans être sûr de lui et de sa capacité à tenir ses promesses. Si c’est pour qu’il fuie à nouveau dans deux mois, tu préfères tout arrêter maintenant. Cette perspective te fait mal, mais tu dois te protéger. Hors de question de sacrifier ta santé mentale et physique pour essayer de sauver quelqu’un qui ne souhaite pas l’être et qui ne t’offre rien d’heureux en retour. Tu te sais assez forte pour encaisser tous les mauvais jours jetés sur ta route, mais tu ne pourrais pas supporter de n’avoir que cela, sans une bouffée d’air frais de temps en temps. Tu ne crois pas que quelqu’un pourrait endurer cela des années sans en subir les conséquences.
C’est dans un état d’esprit hésitant que tu t’endors, partagée entre la joie de pouvoir peut-être retourner vers l’homme que tu aimes désormais de tout ton cœur, et l’inquiétude qu’il ne soit pas à la hauteur, qu’il ne veuille pas s’investir suffisamment dans votre relation pour travailler ce qui doit l’être. Toi non plus tu n’arrives pas à parler de ce que tu ressens, surtout à l’oral, mais tu t’es promis de faire de ton mieux pour t’améliorer. Tu t’es promis de le laisser entrer dans ta vie, peu importe à quel point cela te faisait peur. Tout ce que tu demandes, finalement, c’est qu’il ait aussi envie que toi que cette relation fonctionne. Tu plonges enfin dans les limbes du sommeil, si profondes que tu n’entends pas ton portable vibrer doucement au milieu de la nuit.
Lorsque tu t’éveilles, ton cœur fait un bond à la vue de ton téléphone qui clignote. Cette fois tu n’as pas la force de différer, tu te jettes dessus pour lire la réponse tant attendue, tant redoutée. Tu vois qu’elle a été envoyée autour de quatre heures du matin, et tu fustiges Máni dans ta tête pour s’être couché aussi tard. Tu supposes qu’il a pensé une bonne partie de la nuit.
Bonjour darling ,
Merci de m’avoir répondu, et d’avoir réfléchi si sérieusement à ma requête égoïste. Je n’osais espérer ces mots. Dire que mon cœur déborde de joie et de reconnaissance serait un euphémisme. Je ne sais ce que j’ai bien pu accomplir dans une vie antérieure pour mériter quelqu’un d’aussi bienveillant, sage et fort que toi, mais je me sens béni à chaque instant. Mon amour pour toi est éternel.
Je ne m’attends pas à ce que tu me pardonnes, bien sûr. J’œuvrerai chaque jour pour transformer la blessure que je t’ai infligée en mauvais souvenir seulement, et pour t’en offrir tant d’autres, heureux, pour l’ensevelir. J’ai conscience de toutes les raisons qui auraient pu te faire prendre une décision différente, et je n’en suis que plus touché par le fait que tu m’accordes une seconde chance. Que tu ne m’en cèdes jamais une troisième m’apparaît profondément rassurant. Je compte sur ton intransigeance. De la même manière que tu auras toujours peur que je ne te dise pas lorsque je me sens mal, j’aurai toujours peur que tu ne me dises pas que je suis une mauvaise personne, ou que j’ai agi d’une manière qui t’a blessé : je t’en prie, soit patient avec moi lorsque je te demanderai probablement de trop nombreuses fois, notamment durant les très mauvais jours, de me promettre que ce n’est pas le cas, et que tu me quitteras si cela s’avère nécessaire. J’espère pouvoir intégrer avec le temps que tu n’accepteras pas tout, et que tu n’hésiteras pas à me laisser si la vie à mes côtés ne te satisfait pas pleinement. Mon seul et unique souhait est de te voir heureuxse, et je rêve de pouvoir contribuer à ton bonheur.
J’ai été profondément touché par le fait que tu crois en moi. J’ai toujours jeté mes forces dans la bataille, pour aller mieux, pour devenir une meilleure personne, pour évoluer. Que tu l’aies remarqué, que tu le prennes en compte, que tu ne considères pas mes efforts comme insuffisants… je ne pourrais te décrire tout ce que cela signifie pour moi. Je te promets solennellement de toujours continuer en ce sens. Parce que je veux me sentir mieux, bien sûr, mais aussi parce que je veux devenir quelqu’un de fiable pour toi, et de plus joyeux à tes côtés. Comment oser vouloir illuminer ta vie, sinon ? Je veux au moins arriver à gérer les mauvais jours pour que tu n’aies pas à porter cela en plus du reste. Je ne sais certes pas si mon état s’améliorera dans le futur, mais je dois pouvoir a minima apprendre à mieux vivre avec. Je ne cesserai jamais d’essayer, encore moins depuis que cela te touche aussi.
Je suis navré de lire que tu comprends ce que je traverse, car j’aurais aimé t’en savoir préservée. Je n’aurais pu imaginer que tu avais enduré tout cela tant tu m’apparais solide et stable. Je n’en suis que plus admiratif de ta force. Cela me donne un certain espoir, aussi, je l’admets. Je n’avais évidemment pas besoin de cela pour te faire pleinement confiance, mais je te remercie de me l’avoir dit. J’aurai souvent l’impression que mes pensées seront un poids pour toi, mais j’ai foi en tes mots. Je m’y accrocherai de toutes mes forces. Peut-être que je me sentirai un peu moins bizarre, fou, que cela m’aidera à te parler de ce qui se passe dans ma tête. Je veux te laisser entrer dans ma vie je te le promets, je veux que tu puisses me comprendre si tu le souhaites, et je veux être capable de communiquer mieux que cela.
J’aimerais tout de même que tu saches que je serai toujours là pour toi. Je veux pouvoir t’aider quand tu te sens mal : ce n’est pas parce que j’ai mes propres problèmes que je ne serai pas en mesure de me concentrer sur toi. Je t’aime, et tu peux tout me dire, à n’importe quel moment. Jamais je ne te jugerai, je t’en fais le serment. Je t’en prie, laisse-moi me tenir à tes côtés pour t’épauler aussi.
Quant à tes demandes, merci d’avoir pris le temps de les écrire, d’avoir esquissé ce pas vers moi. Je suis en accord plein et entier avec celles-ci et j’ajouterai que les miennes sont les mêmes. Communique autant que tu le peux, dévoile-moi tes sentiments, s’il te plaît, j’aimerais tant comprendre ce qui traverse ton esprit. Je veux savoir comment tu penses… je veux tout savoir de toi. Tu es pour moi la personne la plus intéressante de cet univers et je ne me lasserai jamais d’en apprendre plus sur toi. Je serai toujours profondément ravi de t’entendre parler de tout sujet qui te tient à cœur et je pourrais t’écouter avec joie pendant des heures.
Je jure de faire de mon mieux pour communiquer correctement, pour évoquer mes besoins, pour faire passer ma santé mentale en premier. Je n’y arriverai pas toujours. Et je ne le ferai peut-être pas toujours de la bonne manière. Mais je vais essayer, je t’en fais le serment. J’aimerais aussi que tu fasses passer ton bien-être en premier, et que tu appliques tout ce que tu m’as dit à ce propos à toi-même. Car tu es ce qui est le plus important en ce monde.
Je sais que je commettrai des erreurs, et parfois cela sera si dur que je regretterai tout. Mais tu as énoncé que tu voulais t’engager avec moi sur ce chemin, et je te crois, même si je ne peux comprendre d’où me vient une telle chance. Je sais que tu auras des jours difficiles aussi, si je me fie à tes mots, mais te soutenir dans ces moments sera mon privilège. Nous allons travailler ensemble, essayer, découvrir ce qui marche ou non, trouver des moyens de s’aider, d’améliorer nos techniques. Nous allons faire de notre mieux et, comme tu l’as dit, c’est peut-être tout ce qui compte, finalement. Cela me convient parfaitement. Je serai honoré de partager ma vie avec toi de cette manière.
Je promets de ne plus jamais prendre de décision à ta place.
Je n’aurais jamais cru que tu avais des difficultés avec tes sentiments pour moi tant tu parais composé. Peut-être que nous pourrions… Nous ferons attention. S’ils deviennent incontrôlables, j’ai la certitude qu’à deux, nous réussirons à trouver un moyen. Même si ces sentiments ne sont pas tout à fait sains, ils existent, nous ne pouvons les nier. J’ai confiance en nous. Je crois cependant que je ne suis pas prêt à en parler, pour l’instant. J’ai encore trop honte. Mais un jour ?
Je n’ai pas besoin de plus de temps pour réfléchir à mes demandes, mais peut-être devrions-nous discuter de la manière dont nous visualisons cette relation. J’attendrai que tu te sentes prêt à me revoir, bien sûr, prends tout le temps dont tu auras besoin. Je ne vais nulle part. Tant que je peux échanger avec toi, je suis heureux. J’ai hâte d’entamer toutes ces discussions. Je n’aime rien plus que de discuter avec toi, même en ce qui concerne les conversations difficiles. Apprendre à te connaître est ma plus grande joie.
Passe une bonne journée, mon amour.
Tu sens tout ton corps, ton âme, se réchauffer à la lecture de ce message. Les larmes te montent aux yeux : c’est tout ce que tu espérais. Lui aussi. Lui aussi souhaite que la relation marche, que vous puissiez être heureuxes ensemble. Tout l’amour que tu avais réfréné ces dernières semaines par tristesse, par peur, par colère, par anxiété semble te revenir de plein fouet à cet instant. Tu as le sentiment qu’il est parfait, juste parfait. Vous désirez la même chose, votre vision de la vie se révèle similaire. Tu t’en doutais, tu l’espérais déjà, après vos conversations où vous étiez toujours sur la même longueur d’onde, mais tu savais que tu ne le connaissais pas au point de pouvoir l’affirmer. Peut-être restera-t-il encore quelques points sur lesquels vous ne serez pas en accord, mais sur le fonctionnement de base que vous souhaitez donner à votre histoire, tu perçois les mêmes nécessités chez vous deux.
L’euphorie te gagne toute entière. Des fourmillements parcourent tes membres et tu débordes d’une énergie soudaine que tu peines à contrôler. Tu as l’impression que ton cerveau est trop plein, que ton cœur menace d’éclater sous tant d’affection. Tu voudrais pouvoir te jeter sur Máni, le serrer dans tes bras. Si ta raison était vraiment réveillée, tu te souviendrais que tu n’es pas encore tout à fait à l’aise, que certaines anxiétés persistent, que tu as besoin de temps, mais en cet instant tout est balayé pour ne laisser la place qu’à la joie la plus pure. Cette fois, il semble que tu puisses enfin commencer quelque chose, quelque chose de vrai, avec l’homme que tu aimes le plus au monde. Tu es certainement la personne la plus chanceuse sur cette terre. Tu ne crois pas au supranaturel, mais tu remercies au cas où toute entité bénéfique qui veillerait sur toi.
Au fur et à mesure de la matinée, alors que tu prends ton petit-déjeuner, que ton esprit s’éveille pleinement, que ton adrénaline se calme, ton euphorie béate décroit pour laisser la place à une part d’anxiété, celle qui te dit que vous ne trouverez peut-être pas de terrain d’entente sur tout, et que certaines choses risquent de mettre un terme à votre histoire. Comme ce dont tu as parlé à Liz’ l’autre jour. Même si tu es convaincue de sa bonne volonté, tu ne sais pas encore ce qui serait rédhibitoire pour lui. Tu ne veux pas qu’il ait à sacrifier quoi que ce soit pour toi, ou à faire des concessions qui entacheraient son bonheur. Tu te masses les tempes devant ta tasse de chocolat chaud, sentant la migraine arriver, puis tu te résous à prendre les problèmes l’un après l’autre. Vous allez discuter de tout cela, et tu verras bien. Ce n’est toujours pas la peine de projeter tous les pires scénarios possible. Concentre-toi sur la joie de le retrouver.
Il te suffit de convoquer son visage dans ton esprit pour qu’un sourire se dessine sur tes lèvres. Les commissures de ses yeux qui se plissent lorsqu’il est heureux, l’affection avec laquelle il te regarde, ses pommettes hautes qui te donnent envie de lui effleurer la joue. Ses longs cheveux noirs, et les mèches indisciplinées qu’il replace derrière son oreille lorsqu’il se concentre sur quelque chose. Il te manque. Le bonheur de savoir que vous avez encore un espoir, qu’il est bien la personne merveilleuse que tu as perçue en lui, te suffit pour le moment.
Tu lui réponds brièvement avant d’aller faire l’ouverture de ton salon.
Passe une bonne journée toi aussi. Je suis heureuxse qu’on voie les choses de la même manière. J’ai hâte aussi d’avoir ces discussions avec toi. Peut-être qu’on pourrait commencer par lister ce qu’est pour nous une relation absolument parfaite ? Et ce qui est important pour nous ? Indépendamment de notre histoire. À toi l’honneur. Je suivrai le même exercice après le travail. Je t’aime.
Sa réponse ne tarde pas :
D’accord, mais promets-moi de ne pas regarder ma version avant d’écrire la tienne. Ce serait dommage qu’elle soit influencée. Je veux entendre ce que tu penses dans toute son honnêteté. Tu voudrais bien faire ça pour moi ?
Il fait fondre ton cœur. Tu ne saurais dire exactement ce qui provoque cela, mais la façon dont il agence ses mots te fait toujours cet effet. Et puis quand il te demande quelque chose, comme ça… Tu promets, bien sûr.
Tu réfléchis avec application à ta réponse durant la journée, tout en travaillant sur tes nouvelles idées de pâtisseries. Tu réussis à arranger les goûts ensemble, mais il te manque encore quelques éléments concernant l’esthétique. Tu hésites un instant à quérir l’opinion de Máni, mais tu changes d’avis. Après tout, tu préfères garder un domaine qui n’appartient qu’à toi. Tu ne sais comment tu aurais survécu ces dernières semaines si chaque fois que tu entrais dans ton salon, tes créations te le rappelaient en plus de tout le reste.
Tu as déjà imaginé, par le passé, à quoi ressemblerait ta relation amoureuse idéale. Tu n’as cependant pas visualisé le quotidien, plutôt des moments clefs, comme le temps avec Máni qui t’a ravie. Tu essaies de ne laisser aucun aspect de côté, de séparer ce que tu aimerais, ce que tu tolérerais, ce qui serait impossible à supporter. Tu te rends rapidement compte que chaque instant avec lui a comblé toutes tes attentes. Vous n’avez jamais vraiment expérimenté la vie à deux, en revanche. Ce n’était toujours que de grandes occasions, pour lesquelles vous fournissiez chacun·e beaucoup d’efforts. À quoi cela ressemblerait-il si vous passiez simplement du temps ensemble, sans rien faire de particulier ? Tu commences à poser des mots sur tes idées pour pouvoir écrire plus facilement ce soir. C’est peut-être mieux que tu t’y attèles avant de lire son message à lui, effectivement. Peut-être que si vous êtes totalement opposé·e·s, cela te démoralisera trop pour que tu te plies à l’exercice.
Tu vois sur ton téléphone que tu as reçu un sms, et ta hâte de le parcourir grandit. Malgré tes réflexions, tu arrives à maintenir suffisamment de concentration pour ne pas commettre de maladresses aujourd’hui. Lorsque tu fermes, tu t’estimes satisfait. Tu t’empresses de rentrer ; l’air glacial fouette ton visage, mais tu n’en as cure. La nuit est belle, tu aperçois les étoiles, et tu te sens bien. Tu respires le soir à pleins poumons. Chez toi, tu te prépares un bouillon avec des nouilles et quelques légumes pour te réchauffer, que tu dévores tout en commençant à rédiger ton message dans tes brouillons.
Comment je visualise une relation parfaite… et sans prendre en compte notre histoire commune…
Une communication ouverte, mais on a déjà parlé de ça. Quelqu’un de franc, qui peut dire ce qu’il pense, mais sans être méchant. Si quelque chose le gêne, ou que j’ai fait quelque chose qui l’a blessé, ou mis mal à l’aise. Ou si je demande un conseil sur quelque chose, ou une opinion sur une tenue, sur un film, ou peu importe. Je veux recevoir une réponse honnête. Je préférerai toujours la vérité, même si elle me fait mal, à un mensonge sympathique.
Je préfère aussi quand quelqu’un a des goûts et des intérêts similaires aux miens. Pas pour tout, mais il n’y a rien de mieux que de discuter jusqu’à tard dans la nuit, de se sentir connecté à quelqu’un.
Comme j’aime la nourriture, quelqu’un qui aime manger, au moins de temps en temps.
Je pense que j’aime les introvertis, mais je me demande parfois si dans une relation amoureuse je ne me sentirai pas plus heureuxse avec quelqu’un de confiant, quelqu’un qui peut m’abriter et me protéger au besoin, mener la conversation avec les autres, quelqu’un sur qui je peux m’appuyer. Quelqu’un qui peut passer les appels, rentrer dans les magasins en premier. Mais ça n’a pas une si grande importante pour moi. Je peux prendre ce rôle aussi, quand c’est nécessaire.
J’aimerais quelqu’un de proactif, par contre. Parce que je suis fatigué de faire tous les efforts. Je veux être surprise, recevoir de l’enthousiasme, je veux quelqu’un qui propose parfois des choses. Pas toujours, mais au moins parfois. C’est pour cela que j’ai été vraiment touché par nos rendez-vous.
Puisqu’on parle d’idéal, j’aimerai quelqu’un qui a une vision de la vie similaire à la mienne, au moins pour les principes de base. Quelqu’un qui attache de l’importance à la gentillesse, la bienveillance, la sensibilité. Quelqu’un qui ne juge pas les autres et a tendance à vouloir un monde plus égal et soutenant. J’aimerais aussi quelqu’un de rationnel. Qui est capable de dire quand il ne connaît pas bien un sujet et ne peut pas donner son opinion. Quelqu’un qui aime savoir, apprendre, comprendre les choses.
J’aimerais quelqu’un qui sait comment me réconforter. Qui sait quand offrir des conseils, et quand être simplement là. Quelqu’un qui me comprend ou qui peut se mettre à ma place, et ne pense pas que je suis trop difficile, trop compliquée. Quelqu’un qui ne s’agacera pas parce que je pleure, ou parce que j’ai été blessé par quelque chose, ou que certaines causes ont de l’importance pour moi.
Je n’aime pas vraiment voyager, ou faire beaucoup d’activités en extérieur, alors je voudrais quelqu’un qui peut apprécier de regarder un bon film, ou de lire un livre ensemble.
J’ai aussi besoin de quelqu’un qui me laissera ma liberté. Je comprends la jalousie, mais c’est à l’autre d’apprendre à la gérer. On peut en discuter, mais je n’arrêterai pas de vivre parce que mon partenaire doute de lui-même, et de moi par extension.
Je pense que si j’essaie de résumer, je veux juste quelqu’un qui fait de son mieux et a l’esprit ouvert. Qui est capable d’entendre que quelque chose me dérange, ou ne me paraît pas bien, même s’il ne le vit pas. Quelqu’un qui tentera de résoudre le problème plutôt que de le nier ou le mettre de côté. C’est tout. C’est le plus important. Dans une relation réaliste, c’est ce sur quoi je me concentrerais.
Je vais lire ton message juste après t’avoir envoyé celui-ci. J’ai tenu ma promesse. Discutons-en ensuite.
Après avoir relu plusieurs fois, tu envoies et commences le sien. Il a accordé le même soin que toi à sa réflexion, à ses mots. Tu comprends au fur et à mesure de ses propos que sa relation idéale serait avec quelqu’un qui a les mêmes goûts ou en partie – il cite notamment la lecture, ce qui ne te surprend évidemment pas. Quelqu’un qui puisse s’entendre avec les personnes qu’il aime, ou qui essaiera au moins, car « ses parents, son frère, ses amis, lui sont des personnes précieuses ». Quelqu’un qui ne le déteste pas pour ses difficultés de santé mentale et ses mauvais jours, qui n’ait pas honte de lui, ou qui ne lui en veuille pas d’annuler au dernier moment, ou de vouloir être seul. Il t’explique que, même s’il aimerait faire autrement, son mal-être est parfois tel qu’il n’a d’autres choix que de ne pas participer à des évènements qu’il attendait avec impatience, et cela te brise le cœur. Dans la continuité, il aimerait être avec quelqu’un de, bienveillant. Quelqu’un de sensible, aussi, avec qui il pourrait partager de nombreuses choses. Il a évoqué plus tôt qu’il pourrait t’écouter parler de n’importe quel sujet durant des heures, mais il en va de même pour toi ; tu n’imagines pas un seul thème que tu ne pourrais vouloir entendre développé de sa bouche. Il souhaiterait également quelqu’un qui a une vision de la vie similaire à la sienne, et il décrit peu ou prou la tienne, ce qui t’ôte un premier poids. Il mentionne notamment le fait de laisser la place à chaque personne, chaque individualité, de créer l’espace nécessaire à ce que chacun·e se sente libre de parler, d’exister, et tu retrouves sa façon d’être dans ces mots.
Il répond en premier à ton message :
J’ai l’impression que nous avons beaucoup en commun, même si ce n’est pas inattendu au vu de nos interactions passées. Cela me rend heureux. Je ne perçois rien d’incompatible dans nos désirs. Peut-être que nous sommes simplement deux personnes pragmatiques. Je suis généralement quelqu’un qui reste en intérieur aussi, cela ne devrait pas poser problème. J’adore la nourriture, mais tu le sais déjà. J’ai eu fortement tendance à donner des conseils, plutôt qu’à réconforter, mais Liz’ m’a apporté son aide à ce propos et je suis plus équilibré dans mes réponses, maintenant. Je ne serai jamais en colère ou agacé parce que tu te sens mal. Ce n’est simplement pas envisageable pour moi, je crois, mon cerveau ne me paraît pas en mesure de générer ce genre de réaction… elle ne fait pas sens.
Je suppose qu’il peut être difficile de trouver toutes les qualités que l’on recherche chez une seule personne, mais puisque nous avons l’air de tenir toustes les deux à cette relation, je suis sûr que nous ferons de notre mieux pour arriver à un accord sur ce qui nous paraît important, dans la mesure du possible. De toute manière, je ne peux pas demander de quelqu’un qu’il fasse quelque chose sans le faire moi-même.
Tu réfléchis quelques instants.
Je suis d’accord avec toi. Je ne vois rien d’inatteignable dans tes espoirs non plus. Jamais je n’aurais honte de toi, c’est absolument certain, et tu es merveilleux. Je suis terriblement sensible, donc ce ne sera pas un problème si tu l’es. La partie la plus difficile sera sûrement de m’entendre avec celleux que tu aimes. Pas parce que je ne les apprécierai pas, mais parce que les rencontrer sera compliqué. Mais tu m’as vu essayer, et je crois que ça fonctionne, un peu. Je ne t’en ai pas parlé, mais je suis devenue plus proche d’Elizabeth ces derniers jours. Et j’ai passé du temps avec ton frère, aussi. Je l’apprécie de plus en plus.
Sa réponse te parvient peu après.
Je suis ravi de l’apprendre. Et heureux qu’iels aient été là pour toi. Tu ne peux pas aimer tout le monde, c’est certain, et ce qui compte pour moi est simplement que tu aies essayé. Ne t’inquiète pas à propos de cette partie, ce n’est pas le plus important. Tu n’as pas à rencontrer qui que ce soit immédiatement, tu sais que nous irons toujours à ton rythme. Jamais je ne te tiendrai rigueur de ne pas t’entendre avec quelqu’un qui m’est proche.
Jusqu’ici, que penses-tu des échanges que nous avons eus ? Est-ce que tu estimerais que les choses ont l’air plutôt… encourageantes ? Je ne perçois pas de sujet d’inquiétude particulier, pour l’instant, mais peut-être ai-je manqué de vigilance. J’ai l’impression que nous voulons globalement la même relation. Nous pourrions presque dire que nous sommes faits l’un pour l’autre, ou quelque chose de ce genre-là ? Peut-être vais-je commencer à croire au destin.
Ses derniers mots te font rire. Toi aussi, tu pourrais commencer à croire en une intervention divine. Vous vous êtes si bien trouvé·e·s et il correspond en tous points ou presque à la personne de tes rêves. Cependant, si vous souhaitez les mêmes choses de manière générale, et que ton euphorie amplifie tout, reste la possibilité de désaccords plus spécifiques, de certains éléments qui pourraient ne pas lui plaire, de tous ces défauts cachés dont on ne parle jamais, de tous ces moments du quotidien qui peuvent créer la discorde.
Je dirais que nous sommes en effet très chanceuxses. Cela me rassure, et m’apaise un peu. Je me sens cependant anxieuxse à propos de certaines choses. Qu’en est-il de tout ce dont nous n’avons pas discuté ? Comme nos pires défauts, ou tous les petits problèmes qui pourraient ruiner une relation ? Toutes les choses qu’on refuserait catégoriquement ? Je sais que ce n’est pas quelque chose de facile à faire, mais peut-être qu’on devrait lister ce qui pourrait vraiment s’avérer problématique chez nous, pour l’autre ? En dehors de ce qu’on a déjà abordé, je veux dire. Tu crois qu’on pourrait faire ça ?
Sa réponse n’arrive pas tout de suite, et tu as le temps de terminer ta vaisselle. Tu te demandes si cette question dépassait les bornes. Après tout, tu ne peux pas tout contrôler et espérer que ton anxiété disparaisse. Tu devras composer avec certains imprévus.
Cela risque d’être difficile, mais nous pouvons faire cela. Je te promets de répondre honnêtement, sans rien omettre, mais j’ai besoin de temps. Je pense que l’exercice sera anxiogène pour moi. Laissons-nous jusqu’à… la fin de la semaine ? Cela te conviendrait ? Nous pouvons toujours discuter d’autres choses durant l’intervalle, si tu le désires. J’en serai personnellement ravi.
Tu soupires de soulagement dans ta cuisine. Pour toi non plus, ce ne sera pas un exercice facile. Mais peut-être que cela permettra de percevoir rapidement si la relation est vouée à l’échec. Tu apprécies les efforts qu’il fournit pour toi.
Merci. Cela signifie beaucoup pour moi que tu sois prêt à m’accorder cette requête, même si c’est désagréable. Ça ne va pas être facile pour moi non plus. La fin de la semaine me paraît bien, mais dis-moi si tu as besoin de plus de temps. Discutons de tout un tas de choses en attendant, comme avant ! Cela me ferait plaisir aussi.